Si vous aimez Stanley Kubrick comme je l’aime, je crois que
vous reverrez
volontiers deux scènes
mythiques de deux de ses chefs-d’oeuvre : Barry Lyndon, sorti sur
les écrans en 1975 et Full Metal Jacket,
terminé après 7 ans de réflexion, en 1987. Si vous ne possédez pas ces
deux
films dans votre vidéothèque,
visionnez- les sur You Tube :Sniper Feat, pour Full Metal Jacket et The
March Before the Charge pour Barry Lyndon. Et comparez-les.
Full Metal Jacket est basé sur le récit « The Short
Timers » de Gustav Hasford (paru en
français sous le titre « Le Merdier » chez Stock, en 1985). Le
livre a été adapté pour l’écran par 3 personnes : G. Hasford, Michael
Herr,, auteur des magnifiques « Dispatches » : reportages de la
Guerre du Vietnam,( paru en français sous le titre « Putain de
Mort », chez Albin Michel, en 1980) et Stanley Kubrick lui-même. ( vous
êtes- vous rendu compte du fait que chaque livre ou film ayant pour sujet la
Guerre du Vietnam inclut dans son titre français les mots « putain »
ou « merde » ? Pourtant le titre « The Short Timers »
veut bien dire : ceux qui font un tour de service au Vietnam d’exactement
395 jours. Sauf s’ils sont morts ou mutilés avant…La même erreur a été commise
pour « Go Tell the Spartans » de Ted Post, faisant allusion à la
Bataille des Thermopyles, en 480 avant notre ère, rebaptisé, en toute
simplicité, « Le Merdier »…)
La dernière partie de Full Metal Jacket
met en scène l’Offensive du Têt en février 1968,
,moment
où les américains ont repris la
ville de Hué des mains du Vietcong. Kubrick a tourné les scènes de bataille,
d’une violence effrayante,dans une usine à gas
abandonnée, dans la banlieue de Londres, avec, notamment, Adam Baldwin
dans le rôle de « Animal Mother », Matthew Modine dans le rôle de
« Joker », Dorian Harewood dans le rôle du caporal
« Eightballs » et John Stafford dans le rôle de l’héroïque « Doc
Jay ».La scène à laquelle nous faisons allusion est celle où la compagnie
fait face aux tirs d’un sniper, qui ne cesse ses tirs malgré toute la puissance
de feu des marines. On n’arrive pas à le localiser, on doit envoyer un soldat
pour le débusquer. Et là commence l’horreur. Le sniper est
pervers. « Il » (mais nous verrons que cet « Il » n’est
qu’une adolescente vietnamienne…) tire avec délectation et avec une
précision
terrifiante d’abord dans les
parties génitales des soldats américains : aussi bien celles du
caporal Eightballs que celles du
pauvre infirmier
Doc Jay qui s’est précipité à son secours. Le
« sang » gicle des sachets de peinture rouge dissimulés sur le corps
de Dorian Harewood et de John Stafford, les acteurs hurlent leur
« douleur », les spectateurs sont glacés d’horreur. La scène a
toujours été qualifiée de " cathartique" . Une scène qui libère aussi
bien les acteurs que le public « par la pitié et par la peur », selon
les principes de l’ancienne tragédie grecque. Adam Baldwin, en particulier ,
« s’éclate » en hurlant, courant et
tirant avec sa mitraillette les plus spéctaculaires
rafales de l’histoire des films de guerre….La
haine, la peur, la douleur : rien n’est suggéré. Tout est explicite.
L’autre scène, peut- être non moins violente si on y
réfléchit bien, est la scène de guerre tirée du merveilleux Barry Lyndon de Stanley
Kubrick. L’action du film ( adaptée du roman satirique de l’écrivain anglais
William Makepeace Thackeray , « Les mémoires de Barry Lyndon », paru
en 1843) se déroule durant
et après la
Guerre de Sept Ans, guerre qui, entre 1756 et 1763
a mobilisé la quasi-totalité des puissances
européennes et leurs colonies, préfigurant
ainsi la boucherie pan-européenne de la Première Guerre Mondiale…Dans un
cadre idyllique
baigné de la lumière que
reflètent les filtres spéciaux des caméras de Stanley
Kubrick, au son des fifres et des tambours ( la jolie marche
des British Grenadiers), l’aventurier irlandais qui ne s’appelle encore que
Redmond Barry (Ryan O’Neal),avance, avec ses camarades, le fusil pointé vers l’ennemi . Anglais contre
français. Les anglais marchent au pas, en silence. Les français les attendent en
silence. L’officier français donne l’ordre de tirer. les armes des soldats français crépitent. Des rangées entières de
soldats britanniques tombent . Les autres continuent d’avancer en
silence. Marcher et tomber. Sans un mot…Sans un
cri. .. On marche, on meurt : la
musique continue.
Le contraste entre les deux scènes est saisissant
Dans la scène extraite de Barry Lyndon la
violence est là, la mort présente à chaque
note de la belle musique. La révolte des spectateurs est là aussi devant le
sacrifice de cette chair à canon, de ces soldats du 18-ème siècle qui n’étaient pas, eux,
des « short-timers », mais des hommes engagés ou appelés à servir
dans les rangs des armées européennes durant des années ou durant des
décennies….La dénonciation de la Guerre est peut- être plus forte dans
cette scène de Barry Lyndon, cette scène sans
une goutte de sang, qu’elle ne l’est dans Full Metal Jacket.
Elisheva Guggenheim-Mohosh.
Voir aussi mon autre blog, Les
Commérages historiques d’Elisheva Guggenheim,
www.commerageshistoriques.blogspot.ch.
Prochains commérages : trois réflexions sur la supposée virginité et le
refus de se marier de la reine Elizabeth I,
very nice blog
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