lundi 8 octobre 2012

Full Metal Jacket et Barry Lyndon: Kubrick, d'une violence à l'autre....

Si vous aimez Stanley Kubrick comme je l’aime, je crois que vous reverrez  volontiers deux scènes mythiques de deux de ses chefs-d’oeuvre : Barry Lyndon, sorti sur  les écrans en 1975 et Full Metal Jacket, terminé après 7 ans de réflexion, en 1987. Si vous ne possédez pas ces deux  films dans votre vidéothèque, visionnez- les sur You Tube :Sniper Feat, pour Full Metal Jacket et The March Before the Charge pour Barry Lyndon. Et comparez-les.

Full Metal Jacket est basé sur le récit « The Short Timers » de Gustav Hasford (paru en  français sous le titre « Le Merdier » chez Stock, en 1985). Le livre a été adapté pour l’écran par 3 personnes : G. Hasford, Michael Herr,, auteur des magnifiques « Dispatches » : reportages de la Guerre du Vietnam,( paru en français sous le titre « Putain de Mort », chez Albin Michel, en 1980) et Stanley Kubrick lui-même. ( vous êtes- vous rendu compte du fait que chaque livre ou film ayant pour sujet la Guerre du Vietnam inclut dans son titre français les mots « putain » ou « merde » ? Pourtant le titre « The Short Timers » veut bien dire : ceux qui font un tour de service au Vietnam d’exactement 395 jours. Sauf s’ils sont morts ou mutilés avant…La même erreur a été commise pour « Go Tell the Spartans » de Ted Post, faisant allusion à la Bataille des Thermopyles, en 480 avant notre ère, rebaptisé, en toute simplicité, « Le Merdier »…)

La dernière partie de Full Metal Jacket  met en scène l’Offensive du Têt en février 1968, ,moment  où les américains ont repris la ville de Hué des mains du Vietcong. Kubrick a tourné les scènes de bataille, d’une violence effrayante,dans une usine à gas  abandonnée, dans la banlieue de Londres, avec, notamment, Adam Baldwin dans le rôle de « Animal Mother », Matthew Modine dans le rôle de « Joker », Dorian Harewood dans le rôle du caporal « Eightballs » et John Stafford dans le rôle de l’héroïque « Doc Jay ».La scène à laquelle nous faisons allusion est celle où la compagnie fait face aux tirs d’un sniper, qui ne cesse ses tirs malgré toute la puissance de feu des marines. On n’arrive pas à le localiser, on doit envoyer un soldat pour le débusquer. Et là commence l’horreur. Le sniper est pervers. « Il » (mais nous verrons que cet « Il » n’est qu’une adolescente vietnamienne…) tire avec délectation et avec une précision  terrifiante d’abord dans les parties génitales des soldats américains : aussi bien celles du  caporal Eightballs que celles du  pauvre infirmier  Doc Jay qui s’est précipité à son secours. Le « sang » gicle des sachets de peinture rouge dissimulés sur le corps de Dorian Harewood et de John Stafford, les acteurs hurlent leur « douleur », les spectateurs sont glacés d’horreur. La scène a toujours été qualifiée de " cathartique" . Une scène qui libère aussi bien les acteurs que le public « par la pitié et par la peur », selon les principes de l’ancienne tragédie grecque. Adam Baldwin, en particulier ,  « s’éclate » en hurlant, courant et tirant avec sa mitraillette les plus spéctaculaires  rafales de l’histoire des films de guerre….La haine, la peur, la douleur : rien n’est suggéré. Tout est explicite.

L’autre scène, peut- être non moins violente si on y réfléchit bien, est la scène de guerre tirée du merveilleux Barry Lyndon de Stanley Kubrick. L’action du film ( adaptée du roman satirique de l’écrivain anglais William Makepeace Thackeray , « Les mémoires de Barry Lyndon », paru en 1843) se déroule durant  et après la Guerre de Sept Ans, guerre qui, entre 1756 et 1763  a mobilisé la quasi-totalité des puissances européennes et leurs colonies, préfigurant  ainsi la boucherie pan-européenne de la Première Guerre Mondiale…Dans un cadre idyllique  baigné de la lumière que reflètent les filtres spéciaux des caméras de Stanley
Kubrick, au son des fifres et des tambours ( la jolie marche des British Grenadiers), l’aventurier irlandais qui ne s’appelle encore que Redmond Barry (Ryan O’Neal),avance, avec ses camarades, le fusil  pointé vers l’ennemi . Anglais contre français. Les anglais marchent au pas, en silence. Les français les attendent en silence. L’officier français donne l’ordre de tirer. les armes des soldats français crépitent. Des rangées entières de soldats britanniques tombent . Les autres continuent d’avancer en silence. Marcher et tomber. Sans un mot…Sans un  cri. .. On marche, on meurt : la
musique continue.

Le contraste entre les deux scènes est saisissant  Dans la scène extraite de Barry Lyndon la  violence est là, la mort présente à chaque note de la belle musique. La révolte des spectateurs est là aussi devant le sacrifice de cette chair à canon, de ces soldats du 18-ème siècle qui n’étaient pas, eux, des « short-timers », mais des hommes engagés ou  appelés à servir dans les rangs des armées européennes durant des années ou durant des décennies….La dénonciation de la Guerre est peut- être plus forte dans  cette scène de Barry Lyndon, cette scène sans une goutte de sang, qu’elle ne l’est dans Full Metal Jacket.


 Elisheva Guggenheim-Mohosh.

Voir aussi mon autre blog, Les Commérages historiques d’Elisheva Guggenheim, www.commerageshistoriques.blogspot.ch. Prochains commérages : trois réflexions sur la supposée virginité et le refus de se marier de la reine Elizabeth I,

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