mercredi 16 janvier 2013

"Le méchant japonais": stéréotypes d'avant Hiroshima. Première partie.



Singes aux yeux d’insectes… Rats bridés… Macaques… Comment  l’industrie cinématographique américaine s’est-elle permise de traiter ainsi l’ennemi japonais dans les quatre années de la guerre du Pacifique ? Comment les scénaristes et les réalisateurs sont-ils arrivés à de tels excès ?

 Dans la décennie avant l’attaque japonaise sur Pearl Harbor les américains n’avaient qu’une seule envie : rester en dehors du conflit qui se préparait sur le Vieux Continent. « Une fois nous a amplement suffi ! Nous avons déjà assez donné en 1917 !! » disaient-ils.

 L’armée américaine dans les années 30 n’est que le dix-septième armée du monde. Le sénateur isolationniste Nye est chaleureusement applaudi lorsqu’il appelle les marchands d’armes des «  marchands de mort ».Le même sénateur Nye traque  toute velléité d’interventionnisme dans les scénarios hollywoodiens. La moindre allusion aux horreurs de la Guerre d’Espagne, aux agissements de Mussolini en Ethiopie ou aux méfaits de « Herr Hitler » en Allemagne est franchement malvenue. Hollywood se déclare neutre vis- à- vis de l’Europe pratiquement jusqu’à 1940. Quant aux japonais, on n’en parle pas. Ils n’intéressent personne et n’effraient personne.

 Avec le bombardement de la base navale de Pearl Harbor, sur l’île d’Oahu (Hawai) le 7 décembre 1941, tout change. En quelques heures, des décennies d’isolationnisme sont effacées. Le lendemain de l’attaque, toute l’Amérique, Hollywood en tête, est unie derrière le président Roosevelt, déterminé à mettre les japonais à genoux. Coûte que coûte.

 Les six premiers mois de la guerre - justement ces six premiers mois qui ne sont qu’une seule longue litanie d’humiliations et de défaites pour les Alliés –non moins que 72 films de propagande et de combat sont en chantier. Dix jours seulement après Pearl Harbor, l’OWI – Office of War Information – l’office de liaison entre Washington et Hollywood, fonctionne à pleine vapeur. Les conseillers de président Roosevelt aimeraient bien éviter les excès grotesques des films de propagande de la Première Guerre mondiale, des films dans lesquels le Kaiser Wilhelm était présenté comme un épouvantail. Ces conseillers donnent à Hollywood des instructions précises : il faut éviter à tout prix deux types de pièges. D’une part il ne faut pas présenter Hitler, Mussolini et le premier ministre japonais Tojo comme les seuls coupables. D’autre part il ne faut pas présenter les peules allemand, italien et japonais comme collectivement coupables. Non, non, insiste Washington :ceux que les films américains doivent désigner comme coupables ce sont les systèmes de gouvernement antidémocratiques. Le fascisme. Le militarisme.

 Hollywood écoute ces instructions d’une oreille distraite…C’est vrai, les héros blessés des films de guerre américains prononcent de beaux discours sur la beauté de la démocratie américaine avant de mourir. Vrai aussi : dans les films de l’époque on fait bien la distinction entre « italien » et « fasciste », entre « allemand » et « nazi ». Mais les japonais sont collectivement traités de « japs », quand ce n’est pas de « them, monkeys » (singes), de rats bridés, de sales créatures jaunes, de sous-hommes ou, carrément  pas d’êtres humains (« It ain’t people ! ». «  Guadalcanal Diary » de Lewis Seiler 1943. Voir nos prochains articles.)

 Le cinéma américain est incapable traiter le peuple japonais avec le même respect qu’il réserve à ses ennemis de race blanche. (tout comme le gouvernement américain, qui ne peut pas s’abstenir d’interner dans  des camps de détention 120 000 américains d’origine japonaise, alors qu’il ne lui viendrait pas à l’esprit d’interner leurs compatriotes d’origine allemande ou italienne…).

 Fin de la première partie. Suite demain.

Je vous propos de visionner un très beau film sur les Nissei (les américains d’origine japonaise) : « Hell to Eternity »("Saipan") de Phil Karlson, film de 1960 avec Jeffrey Hunter dans le rôle d’un jeune américain adopté par une famille japonaise et qui devient un héros et, en même temps un «  pacificateur », durant la guerre du Pacifique !

 Elisheva Guggenheim-Mohosh

2 commentaires:

  1. Il y a un bon trailer sur You Tube pour "Saipan"
    (Hell to Eternity)!

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    1. Elisheva Guggenheim28 mai 2013 à 19:59

      Ce trailer a déjà été enlevé: violation des droits d'auteur!

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