Singes aux yeux d’insectes… Rats bridés… Macaques…
Comment l’industrie cinématographique
américaine s’est-elle permise de traiter ainsi l’ennemi japonais dans les
quatre années de la guerre du Pacifique ? Comment les scénaristes et les
réalisateurs sont-ils arrivés à de tels excès ?
Dans la décennie avant l’attaque japonaise sur Pearl Harbor
les américains n’avaient qu’une seule envie : rester en dehors du conflit
qui se préparait sur le Vieux Continent. « Une fois nous a amplement
suffi ! Nous avons déjà assez donné en 1917 !! » disaient-ils.
L’armée américaine dans les années 30 n’est que le
dix-septième armée du monde. Le sénateur isolationniste Nye est chaleureusement
applaudi lorsqu’il appelle les marchands d’armes des « marchands de
mort ».Le même sénateur Nye traque
toute velléité d’interventionnisme dans les scénarios hollywoodiens. La
moindre allusion aux horreurs de la Guerre d’Espagne, aux agissements de
Mussolini en Ethiopie ou aux méfaits de « Herr Hitler » en Allemagne
est franchement malvenue. Hollywood se déclare neutre vis- à- vis de l’Europe
pratiquement jusqu’à 1940. Quant aux japonais, on n’en parle pas. Ils
n’intéressent personne et n’effraient personne.
Avec le bombardement de la base navale de Pearl Harbor, sur
l’île d’Oahu (Hawai) le 7 décembre 1941, tout change. En quelques heures, des
décennies d’isolationnisme sont effacées. Le lendemain de l’attaque, toute
l’Amérique, Hollywood en tête, est unie derrière le président Roosevelt, déterminé
à mettre les japonais à genoux. Coûte que coûte.
Les six premiers mois de la guerre - justement ces six
premiers mois qui ne sont qu’une seule longue litanie d’humiliations et de
défaites pour les Alliés –non moins que 72 films de propagande et de combat
sont en chantier. Dix jours seulement après Pearl Harbor, l’OWI – Office of War
Information – l’office de liaison entre Washington et Hollywood, fonctionne à
pleine vapeur. Les conseillers de président Roosevelt aimeraient bien éviter
les excès grotesques des films de propagande de la Première Guerre mondiale,
des films dans lesquels le Kaiser Wilhelm était présenté comme un épouvantail.
Ces conseillers donnent à Hollywood des instructions précises : il faut
éviter à tout prix deux types de pièges. D’une part il ne faut pas présenter
Hitler, Mussolini et le premier ministre japonais Tojo comme les seuls
coupables. D’autre part il ne faut pas présenter les peules allemand, italien
et japonais comme collectivement coupables. Non, non, insiste
Washington :ceux que les films américains doivent désigner comme coupables
ce sont les systèmes de gouvernement antidémocratiques. Le fascisme. Le militarisme.
Hollywood écoute ces instructions d’une oreille
distraite…C’est vrai, les héros blessés des films de guerre américains
prononcent de beaux discours sur la beauté de la démocratie américaine avant de
mourir. Vrai aussi : dans les films de l’époque on fait bien la
distinction entre « italien » et « fasciste », entre
« allemand » et « nazi ». Mais les japonais sont
collectivement traités de « japs », quand ce n’est pas de
« them, monkeys » (singes), de rats bridés, de sales créatures
jaunes, de sous-hommes ou, carrément pas
d’êtres humains (« It ain’t people ! ». « Guadalcanal
Diary » de Lewis Seiler 1943. Voir nos prochains articles.)
Le cinéma américain est incapable traiter le peuple japonais
avec le même respect qu’il réserve à ses ennemis de race blanche. (tout comme
le gouvernement américain, qui ne peut pas s’abstenir d’interner dans des camps de détention 120 000 américains
d’origine japonaise, alors qu’il ne lui viendrait pas à l’esprit d’interner
leurs compatriotes d’origine allemande ou italienne…).
Fin de la première partie. Suite demain.
Je vous propos de visionner un très beau film sur les Nissei
(les américains d’origine japonaise) : « Hell to Eternity »("Saipan") de Phil
Karlson, film de 1960 avec Jeffrey Hunter dans le rôle d’un jeune américain
adopté par une famille japonaise et qui devient un héros et, en même temps
un « pacificateur », durant la guerre du Pacifique !
Elisheva Guggenheim-Mohosh
Il y a un bon trailer sur You Tube pour "Saipan"
RépondreSupprimer(Hell to Eternity)!
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