vendredi 18 janvier 2013

"Le méchant japonais": stéréotypes d'avant Hiroshima.Troisième partie.



 (voir nos articles du 15 et 16 janvier)

 Dans nos deux précédents articles nous avons vu les raisons historiques et culturelles, voire géographiques (localisation des champs de bataille) de la formation des stéréotypes négatifs( et très blessants !) de l’adversaire japonais dans les films de guerre américains entre 1941 et 1945.

 Aujourd’hui j’aimerais vous donner quelques exemples terrifiants des discours tenus dans certains de ces films. Discours qui, aujourd’hui, 67 ans après les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki, nous donnent encore froid dans le dos.

 Nous avons déjà parlé d’Airforce, (1943) le chef d’œuvre de Howard Hawks, dans lequel on entend le pilote américain qui vient d’abattre un avion japonais et voit le pilote ennemi brûler vif , s’écrier : « Et un japonais rôti, un ! » (« One fried jap down… ») Encore plus choquant est l’échange entre deux soldats américains dans « Guadalcanal Diary » de Lewis Seiler (1943).Un des soldats interroge son camarade : que ressent-on en tirant sur des êtres humains ? La réponse : « Oh, tu sais, le choix est simple. Tuer ou être tué, et, de toute façon, les japs ne sont pas des êtres humains »…  (« besides, it ain’t people… »).

 « The  Purple Heart » (Dans les griffes de Satan) de Lewis Milestone (1944) raconte le calvaire de deux équipages de bombardiers capturés, jugés et exécutés par les japonais. Le discours final de l’aviateur américain joué par Dana Andrews constitue un des grands moments de la propagande de guerre américaine. Il préfigure – inconsciemment, peut-être –Hiroshima et Nagasaki, mais aussi les terribles bombardements stratégiques conventionnels sur les villes japonaises en 1945.  Dana Andrews crie à la face de ses juges « Il est vrai que nous autres américains ne savons pas grand-chose sur vous, Japonais, mais vous, vous ne savez rien sur nous. Vous pouvez nous tuer tous, mais si vous pensez  que ceci dissuadera l’Amérique de vous envoyer d’autres bombes, vous-vous trompez, oh, et comment ! Nous noircirons vous cieux et nous brûlerons vos villes, nous les réduirons en cendres et NOUS VOUS METTRONS A GENOUX ET VOUS ALLEZ NOUS SUPPLIER D’ARRETER ! C’est votre guerre ! Vous l’avez commencé ! Vous l’avez voulu ! Et elle ne se terminera pas avant que votre sale petit empire ne soit effacé de la surface de la terre ! »

 Ce discours terrifiant, dans un film sorti en 1944  annonce déjà la volonté américaine d’obtenir une capitulation japonaise sans conditions, une CAPITULATION A GENOUX !

 Quant au discours suivant, tiré d’un des plus grands classiques du cinéma de guerre, « Aventures en Birmanie » (Objective, Burma !) de Raoul Walsh, sorti en 1945, c’est un monument de haine et de colère tout à fait caractéristique de l’état d’esprit américain à la fin de la guerre.

 Le film a toujours été objet de scandale, parce que la star, Errol Flynn, n’a jamais fait son service militaire et que le scénario présentait les Américains comme les conquérants de la Birmanie, alors que ce rôle revenait aux Britanniques, nullement mentionnés dans le film..(le film fut longtemps interdit de projection en Angleterre.) Une des scènes mémorables du film est le discours halluciné du vieux correspondant  de guerre devant les corps des soldats américains mutilés : « En trente ans de journalisme je croyais avoir tout vu, je pensais que je savais tout de ce que les hommes pouvaient faire les uns aux autres. Mais ceci est différent… Cette chose a été commise par des gens qui se prétendent civilisés…Civilisés ! Ce ne sont que des idiots dégénérés, des  êtres dénués de sens moral. PETITS SAUVAGES PUANTS ! EFFACEZ-LES, je vous le dis ! Effacez-les de la surface de la terre ! EFFACEZ-LES DE LA SURFACE DE LA TERRE !! »

Voici donc pour les grands films de guerre. Cependant, le discours le plus extraordinaire se trouve dans un petit film de propagande, « Face au soleil levant » (Behind the Rising Sun ) du réalisateur Edward Dmytryk, sorti en 1943. Pourtant, ce film est connu être le seul de l’époque , dans lequel les les personnages japonais sont vus de manière humaine et différenciée, puisque certains, sympathiques et courageux, résistent au militarisme fasciste de leur pays .Un de ces personnages sympathiques se suicide à la fin du film. Mais avant le hara-kiri traditionnel, il lance un appel désespéré : « DETRUISEZ-NOUS, comme nous avons détruit les autres ! DETRUISEZ-NOUS AVANT QU’ILS NE SOIT TROP TARD ! »

 Sans commentaire.

Fin de la série de trois articles consacrés aux stéréotypes antijaponais d’avant Hiroshima, articles extraits de mes émissions à RSR Espace2 et mes articles au Journal de Genève. Voir aussi les quatre articles de la série « Pearl Harbor, d’Oahu à Okinawa », publiés fin décembre 2012.

Elisheva Guggenheim-Mohosh

4 commentaires:

  1. pourtant, Aventures en Birmanie est un très bon film!!

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    1. un film magnifique (la scène du parachutage)

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    2. la scène du parachutage est magnifique

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