En 1917, les
Etats Unis sont entrés dans la Première Guerre Mondiale, animés par un réel esprit
de sacrifice. Il fallait aider les alliés européens à vaincre les barbares du
Kaiser Wilhelm, dans une guerre qui sera vraiment la dernière et qui fera place
nette pour la démocratie dans le monde . La montée des fascismes, mussolinienne
et hitlerienne, la dictature de Franco et
les horreurs de la Guerre d’Espagne, les échos, il est vrai, encore
faibles, de la dictature stalinienne ont créé chez les américains un profond sentiment
de désillusion. C’était donc inutile de saigner dans les tranchées de la Grande guerre, inutile de
mourir dans les campagnes de France. ! Rien n’arrachera l’Europe , ce
vieux continent pourri, à ses démons… Retranchons -nous donc sur notre continent,
dans cette Amérique rooseveltienne où règnent la démocratie et la
liberté. ! Contentons-nous d’être des américains et ne nous mêlons pas des
affaires du monde ! Tel est l’état d’esprit d’une grande partie de l’opinion publique américaine dans les années 30’.
Ainsi le sénateur
Nye du Dakota, président de la commission d’enquête du sénat américain sur
l’industrie d’armement entre 1934 et 1936, trouve-t-il un écho favorable dans
le public lorsqu’il appelle les marchands d’armes « des marchands de
mort », l’industrie d’armement « une affaire de sale fric » et
fait tout pour bloquer les crédits démandés pour le réarmement de la Navy, la
modernisation de l’armée ou la fortification des postes avancées des Etats Unis
dans l’océan Pacifique (tels Guam, Wake et les Philippines.).
Au début des
années 3o, l’armée américaine est la 17-ème armée du monde avec ses 120 000 hommes.
Elle est pauvrement équipèe et il n’est pas rare de voir des soldats s’exercer
avec des balais en guise de fusils. Quant à la Marine américaine, faute des
crédits suffisants dans les années 30’ elle n’atteindra qu’en 1944 la puissance
qu’aurait pu être la sienne déjà en1934 compte tenu du poids politique et
économique des Etats Unis. On le voit donc, dans les années 30’ les forces
armées sont l’enfant pauvre de la nation. Lorsque des voix alarmées se lèvent
au congrès pour attirer l’attention sur
la « sale guerre » que mènent les japonais en Chine ou sur la
pauvreté des fortifications aux Philippines, la réponse est souvent un haussement
d’épaule : »Les pauvres chinois, que voulez-vous qu’on y
fasse… »Ou bien : « Les
Philippines ? en tout cas ils seront indépendants en 1946, ce n’est
donc pas la peine d’y investir beaucoup… » Et lorsqu’on décrit avec effroi
la menace que fait peser Hitler sur l’Europe, il se trouve toujours un
irlandais spirituel, tel Thomas O’Malley du Wisconsin, qui retorque :
« Pourvu que cette petite île perfide, perdue au milieu de l’Océan Atlantique, ne nous entraîne pas à
nouveau dans ses guerres. » (« Petite île perfide :, entendez
par là l’Angleterre..)
Tandis que le
célébre aviateur Charles Lindbergh mène une croisade isolationniste, le
sénateur Nye traque toute influence britannique pouvant entrainer l’Amérique
vers une politique interventionniste sur le continent européen. Un de ses
cibles favoris : Hollywood ! Hollywood qui s’est pourtant si bien
tenu jusque là…
En effet, depuis
1934 Hollywood est sous la férule de la Comission Hays, qui contrôle la moralité
des scénarios, qui élimine toute scène pouvant choquer les braves gens,
notamment tout baiser qui dure plus de 30 secondes, tout image d’un homme et
d’une femme, même mariés, couchés dans
le même lit, les blasphèmes, les villains mots, et toute allusion dite « politique »,
- Hollywood devant rester du pure « entertainment ! A la tête de la
commission officie Joseph Breen, antisémite et anticommuniste notoire, pour qui
la plus vague allusion dans un scénario à l’agression de Mussolini contre
l’Ethiopie,ou à la persécution raciale en Allemagne est déjà une atteinte
intolérable à la neutralité qui doit caractériser le cinéma américain. Cet état
d’esprit dure jusqu’à 1940 et il faudra un courage infini à un réalisateur
comme Anatole Litvak ou à des acteurs comme Edward G. Robinson pour faire un film
comme « Confessions d’un espion nazi », sorti en 1939, premier film
hollywoodien ouvertement interventionniste, qui décrie le nazisme comme une
menace directe pour la démocratie américaine.
Cependant il
serait faux de confondre isolationnisme avec pacifisme et encore moins avec sympathie
pour les dictatures fascistes ! Simplement, la plupart des
isolationnistes, c’est à dire la grande majorité des américains, considèrent
que l’effort militaire américain doit être entièrement consacré à la défense
des Etats Unis, contrairement aux interventionnistes, qui veulent défendre le
pays en portant la guerre en terre étrangère, sur le théâtre des opérations de
l’Europe. Et c’est là qu'
interventionnistes et isolationnistes se réjoignent dans l’erreur ! Les
uns veulent intervenir contre l’Allemagne, les autres veulent rester neutres
vis à vis de l’Allemagne…Le Japon ? Personne n’y pense. On y prête très
peu d’attention dans les années 30’. Ces petits hommes jaunes, dans leurs îles
pauvres et surpeuplées, n’interressent personne, n’effrayent personne, sinon
les quelques amis dévoués de la Chine…
Or c’était une
très grave erreur que d’ignorer
l’évolution de la mentalité japonaise dans les années 30’, de faire
abstrction de la détermination, la force, la volonté farouche de modernisation
qui animait ce pays.
Il existe une
différence profonde et très significative dans la manière dont les japonais et les
américains voient les eaux qui les entourent. Les américains se sentent
sécurisés par leurs océans. Ils attribuent à la mer une sorte de puissance
protectrice intrensèque, presque magique…Par contre les japonais, en
contemplant leurs cartes ont un sentiment de claustrophobie étouffante. Réduits
à leurs seules îles, ils ne sont que des pauvres pêcheurs de poisson.Briser
l’éteau de l’océan, marcher vers le sud, vers les riches colonies européennes
du Sud-Est asiatique, là ou se trouve l’étain, le caoutchouk, le carburant si nécessaire
pour leurs navires : tel est le rêve des
japonais. D’autant plus que la décennie de guerre en Chine s’est avérée non- payante : la
Chine avec ses espaces infinis et ses ressources humaines inépuisables était un
morceau trop grand à avaler.
Non que la caste
militaire au pouvoir au Japon entende renoncer à ses conquêtes en Chine ! Au
contraire ! Variante japonaise des fascismes européens, le mouvement
Zaibatsu prône l’expansionnisme à
l’outrance pour assurer à la patrie japonaise, pauvre et surpeuplée, les matières
premières nécessaires pour son industrialisation. Son but est de créer un sphère
de coprospérité des peuples de l’Extrême-Orient, sphère ou les puissances
coloniales Occidentales – anglaise, hollandaise, française ou américaine-
n’auront strictement rien à faire. L’Orient est aux orientaux, et les japonais,
fils du ciel, doivent y régner en maîtres absolus!
.En 1940 le Japon
se joint aux puissances de l’Axe et en vertu d’un accord avec le gouvernement
de Vichy, occupe une partie de
l’Indochine. Les cercles militaires japonais ne se satisfont plus de l’Asie du
Sud-Est. Leurs yeux sont tournés vers l’Océanie.
Les relations
avec les Etats Unis s’envéniment. Le président Roosevelt n’est pas du tout disposé
à considérer la Chine comme un protectorat japonais incontesté. L’Amérique
impose un embargo sur la livraison des matières premières au Japon aussi
longtemps que ce pays n’aura pas renoncé à toute conquête territoriale
ultérieure à 1931. Pour le Japon ceci est inconcevable. Tout en continuant les
négociations à Washington, l’Etat Major japonais élabore un immense plan
d’attaque d’un périmètre comprenant la Birmanie, la Malaisie, le Thailand, les
Philippines et l’infinie étendue de l’Océan Pacifique des Iles Caroline aux
Iles Hawai.
Dès le refus net
de Roosevelt de reconnaître les conquêtes territoriales japonaises et de lever
l’embargo sur les livraisons de pétrole, donc dès le 26 novembre 41, la menace
de guerre est imminente. Il est donc d’ autant plus incompréhensible que les
postes américains dans le Pacifique
n’aient pas été mis en en état d’alerte ! Le discours extrémement
agressif du Premier ministre japonais Tojo le 30 novembre laisse peu
d’illusions. La surprise d’Oahu, le choc subi par les américains ne s’explique
donc pas simplement par l’ignorance complète des intentions japonaises !
Même les commandants de la base navale de Pearl Harbor s’attendaient à une
attaque japonaise quelque part dans l’Océan Pacifique. Mais pas à Hawai. A Guam
oui. Sur l’Ile de Wake peut être. Mais
pas chez eux. Pas à Pearl Harbor. Pas si loin…
D’ailleurs les
japonais entendent se conformer aux
usages internationaux en matière d’agression…Ils
entendent délivrer une déclaration de guerre en bonne et due forme au secrétaire
d’Etat Hull, à 13 heures, le 7 décembre, heure de Washington.. Mais le texte reçu
de Tokyo est trop long et difficile à décoder, puis Hull les fait attendre dans
l’antichambre, ce qui fait que lorsque la déclaration de guerre est délivrée,
la base de Pearl Harbor brûle déjà… Hull écoute les envoyés japonais le visage
cramoisi de colère et s’écrie : « En 50 ans de service diplomatique
je n’ai jamais entendu un texte aussi infâme,une telle accumulation de
mensonges ! Partez, sortez menteurs infâmes ! » Les pauvres
diplomates nippons sortent, blêmes et sans comprendre la raison de ce flot
d’insultes. Ils n’ont pas encore été
informés de l’attaque, ils n’y
peuvent rien. Mais le mot est lâché : « coup de poignard dans le
dos », « agression militaire sans avertissement alors qu’on est encore
en train de négocier », « infamie »..
Pearl Harbor… Infamie… Les
deux mots resteront à jamais associés.
On ne répétera jamais assez : Pearl Harbor
était certes un succès tactique japonais très brillant mais un succès
stratégique assez limité, et une erreur politique colossale ! Il est vrai
qu’à court terme le dommage infligé était considérable. Mais les quatre
porte-avions américains étaient tous loin de la base de Pearl Harbor le jour de
l’attaque. L’aéronavale restait donc relativement intacte et les avions japonais n’ont pas atteint les
énormes stocks de carburant déposés sur
l’île d’Oahu.Ainsi ils n’ont pas infligé aux forces américains dans le
Pacifique un dommage irréparable, ce qu’ils étaient parfaitement en mesure de
faire.Mais ce qui est
important, c’est qu’en quelques heures, des décennies d’isolationnisme
américain ont été balayées. Le lendemain de l’attaque, l’Amérique toute entère
est unie derrière le président Roosevelt, déterminée, quel que soit le coût, de
mettre les japonais à genoux. Et on sait que la route sera longue. Les premiers
mois de la guerre ne sont qu’une suite ininterrompue de victoires japonaises.
Les Iles Gilbert et l’Ile de Guam dans les Mariannes tombent le 9 décembre. Les
Marines sur l’Ile de Wake tiennent deux semaines. Leur résistance éléctrifie
l’Amérique. « Marines keep
Wake » - nos Marines tiennent bon – titrent les journaux américains. Wake c’est l’Alamo. Puis Wake tombe elle aussi le 23 décembre 1941.
Pour celui qui
lit les journaux de cette fin 1941, le rythme des évènements est vraiment étourdissant.
Le 8 décembre le
Japon déclare la guerre à l’Angleterre, au Canada et à l’Australie, et, pour
faire bonne mesure, déclare à nouveau la guerre aux Etats Unis.
Le 10 les
japonais coulent le Prince de Galles et le Repulse, les deux fiertés de la
Marine de Guerre britannique. La Malaisie et Singapore sont maintenant tout à
fait vulnérables.
Le 11,
l’Allemagne et l’Italie déclarent la guerre aux Etats Unis. Le 12 et le 13 la
Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie déclarent la guerre aux Etats Unis. Les
japonais envahissent la Birmanie.
Le 19 les
japonais débarquent à Hong Kong, Hong Kong qui tombera 6 jours plus tard,le
jour de Noél. Le 22, les japonais débarquent aux Philippines. Le martyr de
Bataan commence.
1942 : le
saga des victoires japonaises continue. Le 2 janvier Manille tombe. Le 10 l’Indonésie
est envahie. Le 25 janvier débaquement en Nouvelle Guinée : les japonais
menacent maintenant le Nord de l’Australie. Le 8 février les américains
abandonnent Guadalcanal. Le 15 Singapore capitule, le 28 débarquement japonais
sur l’Ile de Java.
Le 8 mars Rangoon
tombe, le 28 c’en est la fin des forces hollandaises en Indonésie. Près de
100 000 soldats hollandais sont
faits prisonniers. Puis vient la pire
humiliation de l’histoire militaire des Etats Unis : la capitulation des
forces américaines aux Philippines. Plus de 100
000 hommes et femmes lèvent les
mains en signe de réddition. Néanmoins c’est cette défaite, plus que les autres,
qui deviendra plus tard le symbole même de la victoire...
Elisheva Guggenheim-Mohosh.
Prochain article de la série Pearl Harbor: des films célébrent la défaite.
La description de la difference entre les Japonais et les Americains par rapport a la mer qui les entoure est tres interessante. Noemie
RépondreSupprimerCertains aspects de ce qui est décrit dans cet article sont devenus d'une actualité brûlante...
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