samedi 24 novembre 2012

Pearl Harbor: D'Oahu à Okinawa. Troisième partie: des films célébrent la défaite.

(voir nos articles du 22 et du 23 novembre 2012)

Comme tous les autres secteurs de la société américaine, l’industrie cinématographique hollywoodienne se met immédiatement au service de l’effort de guerre. Dix jours seulement après Pearl Harbor, l’office de coordination entre Hollywood et Washington fonctionne à pleine vapeur. Rien qu’entre décembre 1941 et juillet 1942 72 films de guerre seront produits à Hollywood !

Tout en faisant attention de ne pas glisser systématiquement dans la propagande de haine à l’encontre de l’ennemi ou dans le « flagwaiving » - l’agitation du drapeau américain- tous les films de guerre faits entre 1941 et 1945, et même dans les années après guerre, obéissent à certains schémas obligatoires. D’abord célébrer l’unité de tous les américains, la réussite du grand « melting-pot ». Idée qui trouve son expression dans le « multi-ethnic-platoon », l’unité de combat oû les américains des origines  les plus diverses, irlandais, italiens, juifs, texans, fermiers de l’Oklahoma, fils de bonnes familles de Philadelphie, tous combattent et meurent avec la même abnégation. Autre schéma obligatoire : célébrer l’unité des 30 nations qui combattent contre les puissances de l’Axe. (Les merveilleux anglais, pas du tout impérialistes… Les merveilleux chinois, pas archaiques pour un sou… Le merveilleux Chang Kai Chek… Nos amis de Moscou…) Célébrer aussi la cohésion et l’abnégation des merveilleux américains restés au pays, surtout nos mères et nos épouses, qui payent leurs impôts sans grogner, qui s’engagent comme ouvrières dans les usines d’armement, qui achètent des bons gouvernementaux pour soutenir l’effort de guerre (les fameux War-bonds), qui apportent leurs morceaux de sucre lorsqu’elles sont invitées pour le thé...

 Mais les premiers films de guerre sont là , surtout, surtout, pour célébrer la défaite.

Mais oui. La défaite.

 Loin d’essayer de cacher au public l’étendue de l’humiliation américaine durant les cinq premiers mois de la guerre, beaucoup de films de guerre américains, et non les moindres , sont des véritables hymnes à la défaite.Dans Wake Island de John Farrow, un film de 1942, on voit toute la garnison des Marines massacrée par les japonais. Dans Air Force de Howard Hawks, (tourné en 1942, sorti en 1943), un des plus grands succès hollywoodiens de 1943, on assiste au périple de  d’une forteresse volante B-17, la Mary-Ann, incapable d’atterir sur Hickam Filed sur la base naval de Pearl Harbor qu’elle survole en pleine attaque japonais, fuyant vers l’île de Wake dans le Pacifique et de là vers Manille dans les Philippines, chaque fois surprise par l’inexorable avance de l’ennemi.

 Dans un merveilleux petit film joué uniquement par des femmes, « Cry Havoc » de Richard Thorpe, de 1943, on voit les infirmières capturées avec l’ensemble des forces américaines sur la presqu’île de Bataan aux Philippines, sortir de leur bunker les mains levées en signe de réddition.

 Les « Sacrifiés » de John Ford (1945) et « Bataan » de Tay Garnett(1943), sont des variations sur le même thème. «  Les sacrifiés » (They Were Expendable), avec John Wayne et Robert Montgomery dans les rôles  principaux (Montgomery figure au générique du début du film en tant que « Robert Montgomery, commandant dans la marine des Etats-Unis » et Ford en tant que « Capitaine John Ford… ») décrit la défaite tragique des forces américaines aux Iles Philippines et notamment la capture, pour la première fois dans l’histoire , de femmes-soldats américaines : les infirmières de Bataan…  Mais l’inscription, tenant lieu du mot FIN dans tous ces films c’est un message de courage et d’espoir ! C’est la promesse du général Douglas Mc Arthur : « Je reviendrai ». Nous reviendrons.

C’est donc la désastreuse campagne des  Philippines qui a inspiré le crédo de tous les films de guerre américains   à partir de 1942. Pourtant, peu de chefs militaires ont été aussi contestés et critiqués que 
Douglas Mc Arthur. On lui reproche aussi bien son extravagance, sa vanité, son goût immodéré pour la publicité, que ses erreurs de décision sur le plan militaire et même son comportement au combat. On lui reproche le manque de préparation des forces américaines sous son commandement aux Philippines. On lui reproche aussi le fait que durant les  mois de résistance héroique de ses hommes affamés, affaiblis, atteints par la malaria, retranchés d’abord sur la Péninsule de Bataan, puis sur l’île forteresse de Corregidor, il n’a fait qu’une seule apparition sur le champ de bataille ! Il reste encore dans la mémoire des vieux soldats les paroles de la chanson sur « Dougout Doug » - Doug la pêtoche -, "qui se tient à l’abri et mange bien, tandis que ses troupes crèvent de faim…" On lui reproche, (et  c’est injuste) d’avoir abandonné ses soldats et s’être fait évacuer en Australie, pour y prendre le commandement des forces du Pacifique Sud, et organiser la reconquête tandis que ses troupes, tombées en captivité faisaient la terrible Marche de la Mort de Bataan, un des pires épisodes de prisonniers de  guerre durant la Deuxième Guerre  mondiale.

 N’empêche qu’aux  USA Douglas Mc Arthur  est un héros. Le Lion des Philippines… L’archétype du bon américain ! En Australie, tournant vers Bataan (à plusieurs milliers de kilomètres de là) il s’écrie : « Je reviendrai » Et toute l’Amérique reprend en cœur : nous reviendrons...


Elisheva Guggenheim-Mohosh

Le prochain article de la série "Pearl Harbor" nous ménera vers les batailles du Pacifique et leur
aboutissement: "La Bombe."

Nous reviendrons dans un autre série d'articles, nommée " Le méchant japonais: stéréotypes d'avant Hiroshima" sur le message des films de guerre américains entre l'attaque sur Pearl Harbor et les bombes nucléaires largués sur le Japon en août 1945.

Voir la série" Le méchant Japonais" publiée  les 16, 17, et 18 janvier 2013

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