(voir nos articles du 22 et du 23 novembre 2012)
Comme tous les
autres secteurs de la société américaine, l’industrie cinématographique
hollywoodienne se met immédiatement au service de l’effort de guerre. Dix jours
seulement après Pearl Harbor, l’office de coordination entre Hollywood et
Washington fonctionne à pleine vapeur. Rien qu’entre décembre 1941 et juillet 1942 72 films de guerre seront produits à
Hollywood !
Tout en faisant attention de ne pas glisser
systématiquement dans la propagande de haine à l’encontre de l’ennemi ou dans
le « flagwaiving » - l’agitation du drapeau américain- tous les films
de guerre faits entre 1941 et 1945, et même dans les années après guerre,
obéissent à certains schémas obligatoires. D’abord célébrer l’unité de tous les
américains, la réussite du grand « melting-pot ». Idée qui trouve son
expression dans le « multi-ethnic-platoon », l’unité de combat oû les
américains des origines les plus
diverses, irlandais, italiens, juifs, texans, fermiers de l’Oklahoma, fils de
bonnes familles de Philadelphie, tous combattent et meurent avec la
même abnégation. Autre schéma obligatoire : célébrer l’unité des 30 nations
qui combattent contre les puissances de l’Axe. (Les merveilleux anglais, pas du
tout impérialistes… Les merveilleux chinois, pas archaiques pour un sou… Le
merveilleux Chang Kai Chek… Nos amis de Moscou…) Célébrer aussi la cohésion et
l’abnégation des merveilleux américains restés au pays, surtout nos mères et
nos épouses, qui payent leurs impôts sans grogner, qui s’engagent comme
ouvrières dans les usines d’armement, qui achètent des bons gouvernementaux
pour soutenir l’effort de guerre (les fameux War-bonds), qui apportent leurs
morceaux de sucre lorsqu’elles sont invitées pour le thé...
Mais les premiers films de guerre sont là ,
surtout, surtout, pour célébrer la défaite.
Mais oui. La défaite.
Loin
d’essayer de cacher au public l’étendue de l’humiliation américaine durant les
cinq premiers mois de la guerre, beaucoup de films de guerre américains, et non
les moindres , sont des véritables hymnes à la défaite.Dans Wake Island de John
Farrow, un film de 1942, on voit toute la garnison des Marines massacrée par
les japonais. Dans Air Force de Howard Hawks, (tourné en 1942, sorti en 1943),
un des plus grands succès hollywoodiens de 1943, on assiste au périple de d’une forteresse volante B-17, la Mary-Ann,
incapable d’atterir sur Hickam Filed sur la base naval de Pearl Harbor qu’elle
survole en pleine attaque japonais, fuyant vers l’île de Wake dans le Pacifique
et de là vers Manille dans les Philippines, chaque fois surprise par
l’inexorable avance de l’ennemi.
Dans un merveilleux
petit film joué uniquement par des femmes, « Cry Havoc » de Richard
Thorpe, de 1943, on voit les infirmières capturées avec l’ensemble des forces
américaines sur la presqu’île de Bataan aux Philippines, sortir de leur bunker
les mains levées en signe de réddition.
Les « Sacrifiés »
de John Ford (1945) et « Bataan » de Tay Garnett(1943), sont des
variations sur le même thème. « Les sacrifiés » (They Were
Expendable), avec John Wayne et Robert Montgomery dans les rôles principaux (Montgomery figure au générique du
début du film en tant que « Robert Montgomery, commandant dans la marine
des Etats-Unis » et Ford en tant que « Capitaine John Ford… »)
décrit la défaite tragique des forces américaines aux Iles Philippines et
notamment la capture, pour la première fois dans l’histoire , de femmes-soldats
américaines : les infirmières de Bataan… Mais l’inscription, tenant lieu du mot FIN
dans tous ces films c’est un message de courage et d’espoir ! C’est la
promesse du général Douglas Mc Arthur : « Je reviendrai ». Nous reviendrons.
C’est donc la
désastreuse campagne des Philippines qui
a inspiré le crédo de tous les films de guerre américains à partir de 1942. Pourtant,
peu de chefs militaires ont été aussi contestés et critiqués que
Douglas Mc
Arthur. On lui reproche aussi bien son extravagance, sa vanité, son goût
immodéré pour la publicité, que ses erreurs de décision sur le plan militaire
et même son comportement au combat. On lui reproche le manque de préparation
des forces américaines sous son commandement aux Philippines. On lui reproche aussi le fait que durant les mois de résistance héroique de ses hommes
affamés, affaiblis, atteints par la malaria, retranchés d’abord sur la
Péninsule de Bataan, puis sur l’île forteresse de Corregidor, il n’a fait qu’une
seule apparition sur le champ de bataille ! Il reste encore dans la mémoire des vieux soldats les paroles de la
chanson sur « Dougout Doug » - Doug la pêtoche -, "qui se tient
à l’abri et mange bien, tandis que ses troupes crèvent de faim…" On lui
reproche, (et c’est injuste) d’avoir abandonné ses soldats et s’être fait évacuer
en Australie, pour y prendre le commandement des forces du Pacifique Sud, et
organiser la reconquête tandis que ses troupes, tombées en captivité faisaient
la terrible Marche de la Mort de Bataan, un des pires épisodes de prisonniers
de guerre durant la Deuxième Guerre mondiale.
N’empêche qu’aux USA Douglas Mc Arthur est un héros. Le Lion des Philippines… L’archétype du bon américain ! En Australie, tournant vers Bataan (à plusieurs milliers de kilomètres de là) il
s’écrie : « Je reviendrai » Et toute l’Amérique reprend en
cœur : nous reviendrons...
Elisheva Guggenheim-Mohosh
Le prochain article de la série "Pearl Harbor" nous ménera vers les batailles du Pacifique et leur
aboutissement: "La Bombe."
Nous reviendrons dans un autre série d'articles, nommée " Le méchant japonais: stéréotypes d'avant Hiroshima" sur le message des films de guerre américains entre l'attaque sur Pearl Harbor et les bombes nucléaires largués sur le Japon en août 1945.
Voir la série" Le méchant Japonais" publiée les 16, 17, et 18 janvier 2013
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