jeudi 22 novembre 2012

Pearl Harbor.D'Oahu à Okinawa. Première partie: Moonlight Serenade...

(Cet article est le premier d'une série de quatre récits consacrés à la longue route qui a mené de
Pearl Harbor à la bombe sur Hiroshima.Les textes sont  des extraits tirés de mes émissions à la Radio Suisse Romande Espace2 et de mes articles au Journal de Genève.)


Le soir du 6 décembre 1941,alors que sur l’île d’Oahu quelques couples dansent encore  au rythme de la jolie Moonlight Serenade de Glenn Miller, une armada de six porte-avions entourés d’autres bâtiments de guerre, s’approche silencieusement des iles Hawai. Ce détachement de la Marine Impériale, placé sous le commandement du vice amiral Nagumo, est parti de ses bases dans les îles Kouriles dix jours auparavant. Et c’est durant  dix jours, tout le long des 7000 km qui séparent les Iles Japonaises des Iles Hawai qu’il avance sans être découvert, protégé par le brouillard et un silence radio complet… Vers six heures du matin la flotte japonaise s’immobilise à 22o miles d’Oahu.

La base de Pearl Harbor dort d’un sommeil paisible… C’est un dimanche matin comme les autres…Plus tard, les américains répéteront inlassablement et avec beaucoup d’amertume : » A L’AUBE NOUS DORMIONS… » (At dawn we slept..*.)

Pendant que Pearl Harbor sommeille, les moteurs des bombardiers japonais se mettent à tourner. 350 avions s’envolent vers Oahu en deux vagues successives.La première vague atteint Pearl Harbor à 7 heures  50 et en quelques minutes c’est l’enfer. Toute la base navale brûle.. L’Arizona, une des fiertés de la Flotte du Pacifique, est atteint de plein fouet par les bombes- torpilles et sera perdu à jamais. L’Oklahoma,  le West Virginia et le California coulent, le Maryland, le Tennessee, le Nevada et le Pennsylvania sont couverts d’une épaisse fumée et donnent une vision d’Apocalypse. Les bases aériennes de Hickham, Wheeler, Ewa et Kaneohe sont attaquées elles aussi et près de 2oo avions sont détruits au sol.

Les sirènes retentissent sur toute l’île. Et la première vague d’attaque aérienne à peine terminée qu’à 8 heures 40 arrive la deuxième vague meurtrière.

Deux heures plus tard tout est fini. Les avions japonais , ayant subi des pertes minimes  se posent à nouveau sur les porte-avions d’où ils sont venus. La Flotte Pacifique de l’Amiral Kimmel n’existe pratiquement plus. Sur l’Île d’Oahu gisent 2500 morts.

L’attaque japonaise sur Pearl Harbor a soulevé et continue toujours de soulever un flot  d’interrogations. Comment…Comment cela a-t-il pu arriver ?Comment l’Amérique a-t-elle pu se laisser surprendre ainsi ? Comment une si grande flotte japonaise a-t-elle pu s’approcher de Hawai sans être découverte ? Comment les avions japonais ont-ils pu échapper à la surveillance des radars et, une fois détéctés, comment pouvait-on  les confondre avec une escadrille de bombardiers B-17 rentrant à la base après un vol d’entraînement ? Comment se fait-il que les avions américains sur les bases aériens d’Oahu étaient à découvert, hors de leurs hangars, des cibles si faciles  pour  l’aviation ennemie ?

Plutôt que de nous étendre sur  des théories, pourtant à la mode dans certains cercles d’historiens, selon lesquelles il y avait une conspiration de silence entre le président Roosevelt  et son entourage, qui auraient sciemment permis à l’attaque de se perpétrer pour provoquer l’entrée des Etats Unis dans la guerre, nous essayerons dégager quelques unes  des causes  profondes de ce manque de préparation américaine  en face d’une attaque pas tout à fait imprévisible. Il faut nous demander quel était l’état d’esprit qui a rendu possible une telle attaque surprise.

C’est ce que fait d’ailleurs, avec une honnéteté étonnante, la presse américaine le lendemain du choc. Tous les éditorialistes se demandent : Pourquoi …Pourquoi cela nous est arrivé à nous, américains ? Ou`avons-nous fauté ? Qui sommes nous, que sommes nous en tant que collectivité, en tant que peuple ?

C’est la brillante Dorothy Thomson du New York Post qui donne le ton : »Je vous dirai qui est est responsable pour l’infamie de Pearl Harbor. C’est nous. Oui, c’est nous tous….Pour une génération entière d’Américains l’idée consistait d’obtenir le maximum avec un minimum d’effort.Pour toute ma génération, le modèle de comportement c’était le laisser-aller. Oui, je nous accuse. J’accuse l’Amérique. Je m’accuse moi. « 

 Henry Luce, patron de Life, s’écrie : »  Pearl Harbor c’est la punition divine pour la mauvaise vie qu’a menée l’Amérique toutes ces années… »Walter Lippmann déclare : « Ce qui est arrivé à Pearl Harbor c’est le modèle réduit de notre comportement et de nos attitudes  depuis la dernière guerre. Fausse sécurité, illusions et échec moral : voilà ce qui nous caractérise. »

 Et si ce torrent d’autoaccusations fera place très rapidement à d’autres sentiments, de fierté nationale et de combativité, d’unité et de détérmination, il n’en est pas moins vrai que Pearl Harbor reste une des blessures  profondes de l’Histoire américaine. En fait, une blessure que l’étendue des dégats ne justifie pas à elle seule, surtout pas dans une perspective historique. Rien que sur la minuscule île de Iwo Jima les américains auront perdu 5000 Marines en 1945… Des bâtiments de guerre touchés à Pearl Harbor seul l’Arizona sera irrémédiablement perdu, les  autres seront renfloués et, la plupart, tant bien que mal réparés.Au regard des horribles pertes subies de chaque côté dans la Deuxième Guerre mondiale, Pearl Harbor, osons le dire, c’est peu de chose.

Qu’est-ce qui fait donc du matin de 7 décembre un moment-culte dans la conscience collective américaine, un thème permanent de la littérature et du cinéma, un moment par rapport auquel chaque américain vivant à cette époque saura se situer des années, des décennies après ?

C’est que Pearl Harbor n’est qu’un lieu symbole.

 Dans les heures et les jours suivants, les japonais attaquent, dans un périmètre immense, la Malaisie, les îles Phillipines, l’Île de Wake, l’Ile de Guam. Ce déférlement japonais sur l’Asie et l’Océanie fait irruption dans un rêve tranquille : le rêve d’une Amérique isolationniste, bercée par ses Océans…

Fin de la premère partie. Prochain article de la série Pearl Harbor: la fin de l'isolationnisme.


Elisheva  Guggenheim-Mohosh.

*At Dawn we slept: titre empreunté à Gordon W. Prange.

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