(voir notre article du 15 janvier)
Nous avons vu dans notre article précédent que l'industrie cinématographique américaine, dans ses films tournés entre décembre 1941 et l’été 1945, est incapable de traiter le
peuple japonais avec le même respect qu’elle réserve aux ennemis de race
blanche. (les Italiens et les Allemands). Mais si les américains souffrent du « syndrome du péril
jaune », du moins s’agit-il d’un péril jaune nuancé…Les Japonais sont tous
affreux. Les Coréens, peuple conquis, ne sont pas inclus dans le mépris des
hordes orientales. Quant aux Chinois, : « ils sont nos amis et
nos alliés », et gare au scénariste hollywoodien qui oserait parler de leurs
mœurs archaïques, qui ferait mention des seigneurs de guerre chinois ou qui ne
traiterait pas le généralissime Tchang Kai-chek en grand démocrate !
Mais si on a interné les Nissei (les familles américaines
d’origine japonaise) dans des camps de détention (et ce malgré l’héroisme de
leurs fils combattant pour l’Amérique sur le théâtre européen, par exemple dans
la bataille sanglante de Monte Cassino !), s’il n’y a pas d’acteur
japonais à Hollywood, qui jouera les méchants japonais dans les films de guerre
et de propagande ? Eh bien, les Japonais seront joués par des acteurs
américains mal maquillés, par des acteurs coréens et par des Chinois. Ce qui
fera dire aux critiques de l’époque que, dans certains films, «
toute l’Armée impériale japonaise a l’air d’être évadée d’une blanchisserie
chinoise, quelque part à New York… ».
Les stéréotypes antijaponais qui apparaissent dans tous les
films américains entre 1942 et 1945 reflètent bien l’état d’esprit du public.
Public pour lequel tous les Japonais sont des traîtres malins, cruels,
fanatiques et arrogants.
Deux facteurs contribuent à la formation et la
généralisation de ces stéréotypes négatifs. D’une part l’immense traumatisme de
l’attaque surprise sur la base navale de Pearl Harbor. D’autre part la
configuration des champs de bataille en Asie et dans les Iles du Pacifique. La
guerre en Europe se fait, en effet, au milieu de villes et de villages, de
places, d’églises, d’édifices familiers. Aussi, l’ennemi semble-t-il familier.
Les Allemands et les Italiens, avec leurs qualités et leurs défauts,
apparaissent comme des êtres somme toute assez semblables aux Américains.
Les combats en Extrème-Orient et dans le Pacifique se
déroulent, eux, au cœur de jungles moites et au milieu d’atolls isolés.
L’ennemi, étrange et insondable, se confond avec le milieu inhospitalier. Dans
le décors souvent somptueux des îles lointaines, toutes les normes de la
civilisation occidentale semblent s’effacer devant la sauvagerie…
Achever les blessés,
torturer les prisonniers, lever les mains en signe de reddition pour ensuite
dégoupiller une grenade et tuer les soldats américains naïfs et crédules...La
traîtrise et la cruauté semblent tout à fait caractéristiques des fils d’un
pays dont les diplomates souriants négociaient encore à Washington alors que
leur bombardiers incendiaient déjà la base de Pearl Harbor…Un peuple qui a poignardé
ainsi dans le dos notre chère Amérique sera toujours capable de TOUS LES
CRIMES…Et, par conséquent, méritera TOUS LES CHATIMENTS!.Tel est le message des films de guerre américains entre
Pearl Harbor et Hiroshima.
Le merveilleux « Aventures en Birmanie »
(Objective , Burma !) de Raoul Walsh, tourné en 1945 commence par les
mots « In the japanese-infested
jungle » (dans la jungle infestée de japs ). Le chef- d’oeuvre
de Howard Hawks, « Airforce », tourné en 1942, a failli d’être
interdit par la censure à cause d’un juron lâché par un aviateur. Mais on a
froidement laissé passer la scène suivante : lorsqu’un pilote japonais
brûle dans son avion, le pilote américain s’écrie : « One fried
jap down !!! » (Et un japonais rôti, un !)…
« Bataan », de Tay Garnett(1943) est un des
nombreux films consacrés à l’épisode douloureux de la défaite américaine aux
Philippines. Tout y est. Avions japonais mitraillant les colonnes de réfugiés
et les ambulances de la Croix Rouge, troupes japonaises avançant inexorablement
pour menacer femmes et enfants. Un petit commando d’Américains et de résistants
philippins héroïques se porte volontaire pour ralentir l’avance de l’ennemi.
Cet ennemi nous est montré uniquement sous la forme d’ombres menaçantes et
furtives, des ombres qui surgissent des marécages fumants, qui tuent les héros
de coups de baïonnette DANS LE DOS, torturent et mutilent celui qui tombe entre
leurs mains et encerclent le seul survivant, qui n’est autre qu’un des plus
grandes stars de Hollywood : Robert Taylor. Taylor mitraille les méchants
jusqu’à son dernier souffle, en leur criant : « Venez, venez sales
créatures. Nous sommes ici et nous serons toujours ici.Il faudra toujours
compter avec nous !" Et le
narrateur du film de conclure avec la promesse du général Douglas McArthur,
lorsqu’il a dû quitter les Philippines (en abandonnant ses troupes tombées en
captivité…) : NOUS REVIENDRONS !!!
Fin de la deuxième partie. Demain :la route vers
Hiroshima.
Je vous suggère de revoir « Aventures en
Birmanie » (Objective , Burma !) de Raoul Walsh(1945).
D’une part un monument de haine et de colère, d’autre part
certainement un des films de guerre les plus parfaits (et ceci de l’avis de
tous les experts) avec Full Metal Jacket. Ecoutez bien la musique originale du
film, composée par Franz Waxman : elle
est remarquable.
Cette série d’articles est extraite de mes émissions à RSR
Espace2 et mes articles au Journal de Genève.Voir aussi ma série de quatre articles, "Pearl Harbor: d'Oahu à Okinawa", publiée sur ce blog en décembre 2012.
Elisheva Guggenheim-Mohos
et l'unité 731 de l'Armée Impériale japonaise, Madame?
RépondreSupprimermerci d'avoir soulevé cette question. L'Unité 731 de l'Armée Impériale japonaise a commis des atrocités dignes des expériences "médicales" des nazis. Mais bien
Supprimerque des criminels de guerre japonais aient été pendus
après les procès de Tokyo en 1946, les responsables de
l'Unité 731 n'ont pas été inquiétés. Mais seul le peuple japonais est traité comme collectivement monstrueux et collectivement coupable dans les films de guerre américains d'avant Hiroshima. En ce qui concerne les Allemands, on distingue bien entre "criminels nazis" et le peuple allemand "en général"...
qui étaient les victimes de l'Unité 731?
RépondreSupprimerL'unité 731 de l'Armée Impériale japonaise a sévi en
SupprimerMandchourie dès 1931. Elle a mené une guerre bactériologique et des expériences médicales criminelles surtout sur les prisonniers de guerre coréens, chinois et russes, mais aussi sur des populations civiles,( notamment des enfants, aux Philippines.)