Nous avons quitté nos militants antifascistes anglais le 4
octobre 1936, après la fameuse
Bataille
de Cable Street dans l’East End de Londres. (Voir notre article du 26 juillet
2013). Une partie de ces militants est immédiatement partie vers la France et,
de là, vers l’Espagne, pour s’engager aux côtés des Républicains espagnols, en
tant que volontaires, membres des fameuses
Brigades Internationales. Ils ont tous été prêts de donner leur vie pour
la lutte contre les forces fascistes du Général Franco. Et ils ont souvent
perdu leur vie à la Guerre Civile Espagnole. Mais pas toujours de la manière
dont ils pensaient la perdre.
Pas sur les Champs
d’Honneur. Pas au combat. C’est ce que nous apprennent deux auteurs gallois,
deux auteurs de best-sellers, Ken Follett, que nous connaissons tous pour ses
thrillers et ses romans historiques et Rosie Thomas, connue par des millions de
lectrices qui aiment la littérature d’aventures romantiques.
Lloyd Williams, le plus attachant
des jeunes héros du deuxième tome de la
Trilogie du siècle de Ken Follett (L’Hiver du Monde, paru en 2012) est
d’origine galloise. Il est le fils d’Ethel Leckwith-Williams, députée
travailliste au Parlement Britannique, beau-fils de Bernie Leckwith, militant
syndicaliste juif à Londres et, en réalité, fils illégitime du très
conservateur Comte Fitzherbert . Déjà en 1933, lors d’une visite avec sa mère
chez des amis berlinois, il est témoin de la terreur nazie en
Allemagne, terreur qui suit les élections dont
Hitler sort vainqueur.
Lorsqu’il quitte ses études à l’Unuversité de Cambridge,
pour partir avec des jeunes mineurs gallois, dont son cousin de 16 ans, Dave
Williams et
un autre adolescent, Lenny
Griffiths, pour rejoindre les rangs de la Quinzième Brigade Internationale en Espagne,
il est encore plein d’déalisme. Dix mois après son arrivée, lors de la bataille
de Saragosse, il a déjà perdu une grande partie de ses illusions.Il n’y a pas
d’unité de vue chez les Républicains. Il n’y a pas d’unité de la Gauche
combattante: déjà, lors de la bataille de Barcelone, les anarchistes et les
communistes se sont entretués dans les rues. Et les commissaires moscovites,
les agents des services secrets russes (le NKVD) ont totalement infiltré les
Brigades Internationales. Même les communistes venant des pays occidentaux ont
peur d’eux. Les officier soviétiques ne supportent aucune manifestation de
liberté d’opinion, aucune discussion . La réflexion, l’expression de ses
idées n’est
pas de mise au pays du
Camarade Staline, donc, pourquoi serait-elle de mise chez les volontaires
Américains, Anglais, Allemands-anti-nazis des Brigades Internationales ? volontaires souvent traités par les commissaires soviétiques de "trotskyst" ou d'anarchistes ,d'insubordonnés ou, carrément, de traitres!)
Le 24 août 1937 Lloyd,
Dave, Lenny, mais aussi un jeune professeur d’espagnol à l’Université
Columbia de New York, Joe Eli, et un jeune
ouvrier éléctricien noir de Chicago, Jasper Johnson, prennent part à
l’attaque d’un village tenu par les forces franquistes au nord de Saragosse
.Lloyd n’est pas d’accord avec les
ordres de l’officier soviétique parce qu’il trouve que cette attaque est
stratégiquement injustifiable et entraînera des pertes humaines inutiles. Le
Colonel Bobrov est intraitable : ses ordres viennent de Moscou. La
bataille est meurtrière. Pire : elle est suicidaire. Les franquistes ont
une puissance de feu illimitée, les volontaires antifascistes sont à court de
munitions. Lloyd est blessé, Jasper Johnson tué, la rue est jonchée de cadavres des volontaires
internationaux et des Républicains espagnols. Il n’y a plus de munitions, les
survivants doivent revenir vers la base pour chercher des balles pour leurs
fusils. 5 survivants sur 36 hommes de la compagnie, dont deux blessés…
Et là, c’est l’horreur. Bobrov aboie : « Qui
vous a permis de reculer ? Pourquoi n’avez-vous pas combattu jusqu’au
dernier homme ? Ceux qui sont blessés, mettez-vous de côté. » Loyd
Williams et Lenny Griffiths, ne soupçonnant pas ce qui va
suivre, sortent du rang. Les trois autres, Dave Williams, mineur gallois de 16
ans, Mugsy, un autre jeune mineur et Joe Eli, professeur d’Université à New
York sont abattus à bout portant par Bobrov. Comme des traîtres. Abattus par un
officier soviétique qui n’a jamais combattu et qui, par son incompétence, a
mené toute une compagnie de volontaires à la mort… (et qui, plus tard, et pour
la joie sauvage des lecteurs, sera battu à mort par des femmes moscovites,
lorsqu’il essayera fuir Moscou, encerclée par les troupes allemandes…)
C’est ainsi que se termine l’engagement
idéaliste de Lloyd Williams. Dans la douleur et la désillusion totale.
Nick Penry, syndicaliste gallois et héros du roman
« Amy , pour les amis » (The White Dove) de Rosie Thomas, passe par
une expérience très similaire, avec des conséquences encore plus tragiques. Après la Bataille de Cable Street à Londres,
il s’engage, lui aussi, comme volontaire dans les Brigades Internationales en
Espagne. Il est témoin de la souffrance et la mort de ses camarades et il perd
un bras. Mais ce n’est pas cette mutilation physique qui le meurtrit le plus.
Un officier communiste – cette fois-ci un « gentleman » anglais –
l’arrête pour désobéissance,( comprenez par-là une « déviation » de
la conception moscovite de la Guerre Civile espagnole…) Et, en tant que
prisonnier, Nick est obligé de faire partie d’un peloton d’exécution. Il est
obligé de tirer sur d’autres volontaires antifascistes, des jeunes allemands accusés de désertion.
Nick Penry quittera le Parti Communiste et deviendra, plus
tard, député Travailliste au Parlement Britannique (tout comme Lloyd Williams).
Mais si Lloyd retrouvera la vitalité et le bonheur, Nick Penry, héros du livre
de Rosie Thomas , aura la vie brisée.
Beaucoup d’historiens ont écrit sur la mainmise communiste
sur la Gauche combattante dans la Guerre Civile espagnole.
Mais ce sont ces deux romans populaires qui
ont révélé au grand public les terribles exactions des commissaires politiques
de Moscou .Leur lecture est très recommandée, ne serait-ce que pour
cette raison.
Pour rappel : « L’Hiver du Monde »
(Winter of the World) de Ken Follett, est paru chez Robert Laffont 2012 et chez Dutton, USA, 2012.
« Amy, pour les amis » de Rosie Thomas (The White Dove), est paru chezJ’ai Lu, 1991, et en anglais chez
William Collins and Sons, 1986 et
Arrow Books, 2004. Bonne lecture!
Elisheva Guggenheim-Mohosh.
Un tres bon film qui montre la disillusion avec le communisme russe est Est-Ouest de Regis Wargnier. Noemie
RépondreSupprimerLe nouveau film de Koldo Serra " Gernika" ( Guernica) décrit en détail les crimes des commissaires de la police stalinienne durant la Guerre d'Espagne et leur mainmise sur les loyalistes républicains à Bilbao, en 1937. Ce qui est très frappant dans ce film américano- espagnol c'est que les agents soviétiques sont présentés comme étant aussi haïssables et aussi impitoyables que les membres de la fameuse division Condor qui a bombardé la ville de Guernica le 26 avril 1937!
RépondreSupprimerGuernica le 26 avril 1937!!!
À voir absolument: le nouveau documentaire de Patrick Rothman: " La tragédie des Brigades Internationales"! Une magnifique contribution à nos connaissances de l'histoire de la Guerre civile espagnole. Émission diffusée cette semaine sur Arte et à la Tv Suisse Romande.
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