samedi 27 juillet 2013

No pasaràn! Deuxième partie: Espagne, 1937.



Nous avons quitté nos militants antifascistes anglais le 4 octobre 1936, après la fameuse  Bataille de Cable Street dans l’East End de Londres. (Voir notre article du 26 juillet 2013). Une partie de ces militants est immédiatement partie vers la France et, de là, vers l’Espagne, pour s’engager aux côtés des Républicains espagnols, en tant que volontaires, membres des fameuses  Brigades Internationales. Ils ont tous été prêts de donner leur vie pour la lutte contre les forces fascistes du Général Franco. Et ils ont souvent perdu leur vie à la Guerre Civile Espagnole. Mais pas toujours de la manière dont ils pensaient la perdre.  Pas sur les Champs d’Honneur. Pas au combat. C’est ce que nous apprennent deux auteurs gallois, deux auteurs de best-sellers, Ken Follett, que nous connaissons tous pour ses thrillers et ses romans historiques et Rosie Thomas, connue par des millions de lectrices qui aiment la littérature d’aventures romantiques.

Lloyd Williams, le plus attachant  des jeunes héros du deuxième tome de la Trilogie du siècle de Ken Follett (L’Hiver du Monde, paru en 2012) est d’origine galloise. Il est le fils d’Ethel Leckwith-Williams, députée travailliste au Parlement Britannique, beau-fils de Bernie Leckwith, militant syndicaliste juif à Londres et, en réalité, fils illégitime du très conservateur Comte Fitzherbert . Déjà en 1933, lors d’une visite avec sa mère chez des amis berlinois, il est témoin de la terreur nazie en  Allemagne, terreur qui suit les élections dont Hitler sort vainqueur.

Lorsqu’il quitte ses études à l’Unuversité de Cambridge, pour partir avec des jeunes mineurs gallois, dont son cousin de 16 ans, Dave Williams et  un autre adolescent, Lenny Griffiths, pour rejoindre les rangs de la Quinzième Brigade Internationale en Espagne, il est encore plein d’déalisme. Dix mois après son arrivée, lors de la bataille de Saragosse, il a déjà perdu une grande partie de ses illusions.Il n’y a pas d’unité de vue chez les Républicains. Il n’y a pas d’unité de la Gauche combattante: déjà, lors de la bataille de Barcelone, les anarchistes et les communistes se sont entretués dans les rues. Et les commissaires moscovites, les agents des services secrets russes (le NKVD) ont totalement infiltré les Brigades Internationales. Même les communistes venant des pays occidentaux ont peur d’eux. Les officier soviétiques ne supportent aucune manifestation de liberté d’opinion, aucune discussion . La réflexion, l’expression de ses idées n’est  pas de mise au pays du Camarade Staline, donc, pourquoi serait-elle de mise chez les volontaires Américains, Anglais, Allemands-anti-nazis des Brigades Internationales ?  volontaires souvent traités par les commissaires soviétiques de "trotskyst" ou  d'anarchistes ,d'insubordonnés ou, carrément, de traitres!)

 Le 24 août 1937 Lloyd,  Dave, Lenny, mais aussi un jeune professeur d’espagnol à l’Université Columbia de New York, Joe Eli, et un jeune  ouvrier éléctricien noir de Chicago, Jasper Johnson, prennent part à l’attaque d’un village tenu par les forces franquistes au nord de Saragosse .Lloyd n’est pas d’accord avec  les ordres de l’officier soviétique parce qu’il trouve que cette attaque est stratégiquement injustifiable et entraînera des pertes humaines inutiles. Le Colonel Bobrov est intraitable : ses ordres viennent de Moscou. La bataille est meurtrière. Pire : elle est suicidaire. Les franquistes ont une puissance de feu illimitée, les volontaires antifascistes sont à court de munitions. Lloyd est blessé, Jasper Johnson tué, la  rue est jonchée de cadavres des volontaires internationaux et des Républicains espagnols. Il n’y a plus de munitions, les survivants doivent revenir vers la base pour chercher des balles pour leurs fusils. 5 survivants sur 36 hommes de la compagnie, dont deux blessés…

 Et là, c’est l’horreur. Bobrov aboie : «  Qui vous a permis de reculer ? Pourquoi n’avez-vous pas combattu jusqu’au dernier homme ? Ceux qui sont blessés, mettez-vous de côté. » Loyd
Williams et Lenny Griffiths, ne soupçonnant pas ce qui va suivre, sortent du rang. Les trois autres, Dave Williams, mineur gallois de 16 ans, Mugsy, un autre jeune mineur et Joe Eli, professeur d’Université à New York sont abattus à bout portant par Bobrov. Comme des traîtres. Abattus par un officier soviétique qui n’a jamais combattu et qui, par son incompétence, a mené toute une compagnie de volontaires à la mort… (et qui, plus tard, et pour la joie sauvage des lecteurs, sera battu à mort par des femmes moscovites, lorsqu’il essayera fuir Moscou, encerclée par les troupes allemandes…)  C’est ainsi que se termine l’engagement idéaliste de Lloyd Williams. Dans la douleur et la désillusion totale.

 Nick Penry, syndicaliste gallois et héros du roman « Amy , pour les amis » (The White Dove) de Rosie Thomas, passe par une expérience très similaire, avec des conséquences encore plus tragiques.  Après la Bataille de Cable Street à Londres, il s’engage, lui aussi, comme volontaire dans les Brigades Internationales en Espagne. Il est témoin de la souffrance et la mort de ses camarades et il perd un bras. Mais ce n’est pas cette mutilation physique qui le meurtrit le plus. Un officier communiste – cette fois-ci un « gentleman » anglais – l’arrête pour désobéissance,( comprenez par-là une « déviation » de la conception moscovite de la Guerre Civile espagnole…) Et, en tant que prisonnier, Nick est obligé de faire partie d’un peloton d’exécution. Il est obligé de tirer sur d’autres volontaires antifascistes,  des jeunes allemands accusés de désertion.

Nick Penry quittera le Parti Communiste et deviendra, plus tard, député Travailliste au Parlement Britannique (tout comme Lloyd Williams). Mais si Lloyd retrouvera la vitalité et le bonheur, Nick Penry, héros du livre de Rosie Thomas , aura la vie brisée.

Beaucoup d’historiens ont écrit sur la mainmise communiste sur la Gauche combattante dans la Guerre Civile espagnole.  Mais ce sont ces deux romans populaires qui ont révélé au grand public les terribles exactions des commissaires politiques de Moscou .Leur lecture est très recommandée, ne serait-ce que pour  cette raison.

 Pour rappel : «  L’Hiver du Monde » (Winter of the World) de Ken Follett, est paru chez Robert Laffont 2012 et chez Dutton, USA, 2012. « Amy, pour les amis » de Rosie Thomas (The White Dove), est paru chezJ’ai Lu, 1991, et en anglais  chez  William Collins and Sons, 1986 et  Arrow Books, 2004. Bonne lecture!

Elisheva Guggenheim-Mohosh.

3 commentaires:

  1. Un tres bon film qui montre la disillusion avec le communisme russe est Est-Ouest de Regis Wargnier. Noemie

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  2. Le nouveau film de Koldo Serra " Gernika" ( Guernica) décrit en détail les crimes des commissaires de la police stalinienne durant la Guerre d'Espagne et leur mainmise sur les loyalistes républicains à Bilbao, en 1937. Ce qui est très frappant dans ce film américano- espagnol c'est que les agents soviétiques sont présentés comme étant aussi haïssables et aussi impitoyables que les membres de la fameuse division Condor qui a bombardé la ville de Guernica le 26 avril 1937!
    Guernica le 26 avril 1937!!!

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  3. À voir absolument: le nouveau documentaire de Patrick Rothman: " La tragédie des Brigades Internationales"! Une magnifique contribution à nos connaissances de l'histoire de la Guerre civile espagnole. Émission diffusée cette semaine sur Arte et à la Tv Suisse Romande.

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