(voir nos trois articles du 22, 23 et 24 novembre 2012)
Le principe
« Germany First » - priorité accordée au front anti-allemand, principe sur lequel Churchill
et Roosevelt s’entendent dès la fin 41, se heurte rapidement aux réalités du
Pacifique. Il faut arrêter le Japon. Il faut essayer de contenir les forces
japonaises dans leur immense périmètre et, dès l’été 42, entreprendre la
reconquête des îles.
Trois évènements
créent le tournant dans l’histoire des batailles du Pacifique. D’abord le 18
avril 1942 : 30 secondes sur Tokyo. Bombardement surprise de seize
« B-25 » du colonel Doolittle sur le Japon. Bombardement qui a fait
peu de dégâts mais qui a beaucoup choqué
les japonais. Puis c’est la bataille de
la mer de Corail, que les américains ne remportent pas mais les japonais non
plus, et c’est déjà une nouveauté. Puis vient le vrai grand tournant, en juin
1942. La bataille de Midway, exactement au milieu de l’Océan Pacifique, où les
pilotes de l’aéronavale réussissent un coup d’éclat sans précédent :
mettre fin en exactement 5 minutes à la supériorité navale du Japon, en coulant
4 porte-avions et en détruisant 300 avions de l’aéronavale japonaise. Seulement
attention : c’est NOUS qui savons que Midway était le tournant ; nous
de notre perspective historique. C’est
nous qui savons que malgré leur tenacité et leur détérmination, malgré leur
esprit de sacrifice et leur capacité terrible d’infliger des pertes, les
japonais ne remporteront plus jamais une vraie victoire dans la Deuxième Guerre
mondiale. C’est nous qui savons que désormais toute action militaire entreprise par
les Etats Unis, se terminera, à plus au moins longue échéance, par une victoire
américaine : victoire amère, victoire sanglante, mais victoire quand même!
Commence-t-alors
la longue route sanglante de la reconquête des îles. A travers des paysages
d’une beauté parfois halluciante, Mc Arthur mènera l’offensive des Iles Salomon
de la Nouvelle Guinée vers son but
ultime : les Philippines. Quant à l’Amiral Nimitz, il attaquera
successivement les Iles Marshall, les Iles Gilbert et les Iles Mariannes, avant
de pénétrer dans le périmètre interne de
la défense japonaise.
Première grande
étape, donc, en août 42 : Guadalcanal. Sa conquête prendra six mois :
un avant-goût amère de se qui va suivre.. En 1943, c’est la bataille pour
Tarawa, une minuscule atoll de corail dans les Iles Gilbert. 72 heures d’enfer
et, vu l’exiguité du territoire, une des plus grandes concentrations de morts
etde blessés sur le champ de bataille dans toute l’histoire des guerres
modernes. Sur Tarawa, les américains ne feront que 17 prisonniers japonais….
Eté 44 : les
Iles Mariannes : Saipan, Tinian, Guam. Une opération combinée de la Navy, de
l’aviation et de l’infanterie américaine. Une victoire écrasante sur tous les
plans, mais à quel prix… Un cinquième des soldats américains morts ou estropiés
à vie. Quant aux japonais, leur résistence atteint les limites humaines. Outre
les dizaines de milliers de militaires de morts au combat, des milliers
de militaires et de civils se suicident à Saipan, la plupart en se précipitant
du haut des rochers. Parmi les japonais qui mettent ainsi fin à leur vie :
le légendaire amiral Nagumo, celui qui dirigait
l’attaque japonaise contre
Pearl Harbor…
La perte des Iles
Mariannes est le début de la fin pour le
Japon. Des bases aériennes situées sur ces îles partiront dès la fin 1944 des
bombardiers géants. De véritables forteresses volantes avec une autonomie de carburant suffisante
pour atteindre les Iles japonaises et y semer la terreur.
Puis, en octobre
44, le rêve enfin réalisé pour Douglas Mc Arthur : la grande bataille navale
du
Golfe de Leyte et le débarquement
américain aux Philippines.Là aussi les combats dureront six mois jusqu’à la
libération complète des îles. Mais dès février 1945, dans Manille en ruine, les
américains diront fièrement : NOUS SOMMES DE RETOUR
« Nothing will stop the US
Airforce… » - chantent les aviateurs américains. En effet, rien n’arrétera leurs bombardiers.. La
stratégie du bombardement systématique du territoire ennemi, appliquée par les
Alliés en Allemagne, va maintenant être utilisée contre le Japon. Les îles du
Pacifique reconquises serviront de départ aux bombardiers géants. Dans la nuit de 9
mars 1945, 334 bombardiers B-29 volent en formation serrée vers Tokyo. Ce sera
un des raids aériens les plus meurtriers de l’Histoire. Au petit matin on
compte les morts : 83 000 civils tués. 83 000 morts c’est plus que
l’ensemble des victimes civiles britanniques tuées par les bombardements durant
toute la Deuxième Guerre mondiale !! " We’ll bomb them
back to the stone ages »- ils retourneront à l’Age de Pierre – promettent les aviateurs américains en
larguant les bombes incendiaries. Et les raids se répétent,
les nuits, les semaines, les mois qui viennent. Tokyo, Kobé, Nagoya, Osaka, le port de Yokohama, les grands centres industriels, ne sont plus
que flammes, cendres et gravats. Il n’y a plus de
flotte commerciale, ni bateaux de pêche, ni voies ferrées. Les morts se
comptent par centaines de milliers, les sans-abri par millions. La ration calorique des japonais se réduit à 12oo calories par jour. Le Japon, soumis
à un blocus naval, est au seuil de la famine.
Au milieu de
toute cette destruction, quatre cités restent curieusement intactes. Ce sont Kokura,
Hiroshima, Niigata et Nagasaki. Elles sont systématiquement évitées par l’aviation
américaine,comme si elles étaient destinées pour une démonstration. Pour le
moment personne ne sait laquelle…
Trois années se
sont écoulées depuis la désastreuse série
de défaites alliées. La guerre du Pacifique entre maintenant dans sa
phase finale. En février 1945 les américains atteignent Iwo Jima, un petit
enfer rocailleux perdu au milieu de l’océan , à 1000 km des côtes japonaises.
La bataille sera effroyable. Plus de 5000 Marines tués. Quant aux 23 000 japonais
qui défendent l’île, ils se batteront jusqu’au dern
La bataille fait
encore rage lorsque le 23 mars 1945 six soldats du Corps des Marines réussissent à planter le
drapeau américain au sommet du Mont Suribachi. Joe Rosenthal de l’Agence
Associated Press est là. Il prend une photo superbe, en fait une des photos les
plus célébres de la Deuxième Guerre mondiale. La prise du Mont Suribachi devient
ainsi un autre moment-culte pour toute une génération d’américains. Quant à la
légendaire photo de Joe Rosenthal, elle servira de modèle à l’énorme statue de
bronze dédiée au Corps des Marines, qui se dresse près du cimetière
d’Arlington.
A peine le son du
canon s’est il tu sur l’île et la lueur des lance-flammes s’est-elle éteinte que les premiers bombardiers géants Bl-29
s’envolent déjà des pistes d’aviation construites en toute hâte. Leur but :
incendier les villes japonaises.
Les Marines, eux,
continuent leur route vers la prochaine étape : l’Ile d’Okinawa, à 5oo km
des còtes japonaises. Ceux qui ont
combattu à Iwo Jima, l’ont souvent dit : ils n’ont
plus peur de l’enfer, ils y ont déjä fait un tour. Mais l’horreur d’Okinawa dépasse tout ce
qu’ils ont vu ou connu. Okinawa c’est 3
mois de boucherie désespérée, avec 120 000 morts, dont 12 mille Marines. Okinawa
c’est le suicide des officiers nippons
qui préférent la mort à la défaite. Horrifiés et impuissants , les soldats
américains assistent à des scènes où par dizaines, par centaines, les japonais
dégoupillent leurs grenades pour se faire
sauter ou se tuent avec leurs sabres de samouraï. Mais le plus terrible
à supporter à Okinawa ce sont les attaques des kamikazé. Dès le lendemain du
débarquement, le 6 avril 1945, 700 avions japonais attaquent les bateaux
américains au large d’Okinawa. Un avion sur deux ne dispose pas de carburant
pour revenir à la base et doit se lancer contre l’objectif ennemi pour périr avec
lui. Leurs pilotes sont des volontaires pour mourir et se transformer ainsi en
VENT DIVIN-( en
japonais: Kami-Kazé). Au cours des
trois mois de la bataille de l’Okinawa les américains subiront 3000 attaques suicide.
A la fin, lorsqu’ils remportent la victoire, une réflexion terrible se fait
surface : Continuons ainsi, de victoire en victoire, et pas un seul de
nous n' en sortira vivant. Jamais, jamais
nous ne reverrons nos familles et nos maisons ! Car si les japonais
combattent avec une telle détermination à 500 ou 1000 km de leurs côtes,
combien de morts faudra-t-il pour envahir le
Japon lui-même ?
C’est cette
question angoissante se qui pose à Harry Truman, lorsque le président Roosevelt
meurt subitement le 12 avril 1945.
L’inexpérimenté vice-président hérite d’un problème très complexe :
comment mettre fin à la guerre la plus meurtrière que l’humanité ait
connue ?
C’est vrai, les
bombardiers B-29 incendient à leur guise- le Japon est dévasté, affamé,épuisé.
Mais il n’est pas à genoux. En Manchourie, en Corée, au Japon même, 4 millions
de soldats sont debout , en armes, prêts à mourir pour leur empereur. Combien
de temps, combien de morts faudrait-il pour en venir à bout ? La réponse que
les experts militaires apportent au nouveau président est consternante. Si l’on
prend les batailles terribles d’Iwo Jima et d’Okinawa comme base de calcul,
l’invasion du Japon durera jusqu’au mois de novembre 1946 et coûtera la vie à
un demi million, peut être même à un
million d’américains.
A ce moment le
dossier Manhattan, dont il n’a jamais été tenu au courant en tant que vice président,
apparaît àn Harry Truman comme une lueur d’espoir. Cette arme terrible, cette bombe
atomique qu’on est en train d’élaborer dans le plus grand secret depuis des années
déjà à Los Alamos, dans le Nouveau Mexique, est, paraît-il, au point…Au fil des jours, la bombe « A » paraît à
Truman la panacée, la solution à tous ses problèmes. La bombe mettrait
une fin immédiate à la pire guerre de l’Histoire, qui n’en finit pas de tuer,
et ce avec des pertes limitées à quelque dizaines de milliers de morts, contre
les millions qu’entraînerait la poursuite des combats .La bombe prendrait les
russes de vitesse et les empêcherait de tenir leur promesse encombrante
d’attaquer les japonais dans le dos après la fin des combats en Europe! Ainsi
ils seront écartés de la scène Extrême-Orientale et n’y
auront pas droit à une part
de vainqueur!La bombe servirait même d’instrument de paix et de démocratie le
lendemain de la victoire des Alliés- notamment en remodelant le système
politique du Japon !!
Certains experts
militaires essayent de persuader le président que tout le problème de
l’invasion est un faux problème et le spectre d’un million d’américains morts
est un faux spectre. Selon ces avis, la poursuite du bombardement systématique
du Japon, ainsi qu’un blocus naval suffiront pour épuiser très rapidement
l’Empire du Soleil Levant.A ces
voix optimistes, d’autres voix
répondent qu’on a
bien bombardé l’Allemagne à feu et à sang : les Alliés
ont quand même dû envahir le pays, et le prendre, mètre après mètre, à la
baïonette. On devrait agir de même avec les japonais, quitte à
attteindre le prorata des pertes d’Iwo Jima
et d’Okinawa.
D’autres voix
s’élèvent alors pour demander à Truman de se satisfaire d’une explosion
atomique démonstrative sur une île déserte. Encore d’autres, dont le secrétaire
à la défense Henry Stimson, veulent adoucir la formule impitoyable de
« capitulation sans conditions » (Unconditional Surrender)-qu’on veut imposer au Japon. Ils proposent
une formule plus acceptable pour ceux qui, au Japon, poussent l’Empereur
Hirohito vers une « réddition honorable ».
Tous ces conseils
modérateurs sont rejetés. Dans la déclaration finale de la Conférence de
Potsdam du 26 juillet 1945 est inclus un ultimatum exigeant une capitulation
japonaise sans conditions. En cas de refus Truman est décidé de larguer une
bombe atomique, sans avertissement, sur un objectif réel. Le gouvernement
japonais ne réagit pas à l’ultimatum. Les Alliés considèrent ce silence comme
un refus.
A l’aube du 6
août, un bombardier B-29, l’Enola Gay, s’envole de la base de Tinian,dans les
Iles Mariannes. La bombe dans la soute est de type « Thin Boy »-
Petit Gamin – en uranium. La cible est
choisie en fonction des conditions
météorologiques. Justement : le soleil brille sur Hiroshima. Une lueur, et
le cœur de cette ville arrête de battre…
Le 8 août Staline déclare la guerre au Japon et attaque
la Manchourie. Le 9 août une bombe atomique
de type « Fat Man » - Gros Bonhomme – en plutonium, doit être larguée sur la ville de Kokura. Le
bombardier B-29 tourne en rond… Puis la bombe est larguée, in extrémis, sur
Nagasaki… Cinq jours plus tard le Japon capitule. Et c’est le 2 septembre, sur l’USS Missouri, ancré
dans la
Baie de Tokyo et triomphalement survolé par les avions américains, que le
général Mc Arthur déclarera : « these proceedings are close »… Cette histoire est finie.
Elisheva
GUGGENHEIM-MOHOSH
Ce quatrième article met fin à la série consacrée à l'attaque japonaise sur Pearl Harbor et ses conséquences. Les articles sont extraits de mes émissions à la Radio Suisse Romande Espace2 et de mes articles au journal de Genève.
très intéressant!
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