Khesanh, petite base américaine près du 17-ème parallèle –la
frontière séparant les deux Vietnam- étaient située au milieu de collines qui
rappelaient la Toscane. Rien ne la destinait à la célébrité, même lorsqu’elle
fut attaquée au début de 1968 par quatre divisions d’infanterie
nord-vietnamiennes. L’intervention américaine au Vietnam était alors à sa
quatrième année, les grandes attaques frontales contre les bases américaines à
leur quatrième mois.
Pourquoi Khesanh est-elle devenue l’abcès de fixation du
commandement américain au point de divertir son attention de toute autre
opération ? Pourquoi, malgré le déluge de bombes que déversaient les B-52
et le nombre relativement limité des pertes américaines ces derniers se
sont-ils comparés à la malheureuse garnison française massacrée en 1954 ?
Nul ne le sait. Toujours est-il qu’un modèle réduit du plateau de Khesahn fut
construit dans les sous-sols de la Maison Blanche. Le président Johnson,
inquiet, tournait autour de ce modèle, la nuit, en robe de chambre, déclarant à
ses généraux : « Je ne veux pas, entendez vous, je ne veux pas d’un
Dien-Bien-Machin » (Selon Stanley Karnow : « I dont want any
damn Dinbinphoo.. »Voir notes).
La bataille autour de Khesanh fait rage depuis dix jours,
lorsque dans la nuit du 31 janvier 1968 les forces communistes lancent leur
offensive dite « du Têt ». Une attaque minutieusement préparée,
superbement coordonnée contre toutes les grandes et moyennes agglomérations
urbaines. Le Vietcong, aidé des forces nord-vietnmiennes frappe de Hué et
Danang au nord à Saigon au Sud, en passant par Pleiku et Dalat avec la même
férocité, la même audace, souvent suicidaire !
Des hauts plateaux jusqu’au bord de la mer, du Delta du
Mékong jusqu’à la frontière laotienne, les villes vietnamiennes brûlent .Les
américains, pris par surprise, dépêchent leurs forces dans les jungles et les
rizières vers les villes. Certaines seront reprises en quelques jours.
D’autres, comme la ville de My Tho , seront « détruites afin d’être
sauvées » des communistes…Hué sera doublement martyrisée : d’abord
par un règlement de comptes en forme de bain de sang contre les fonctionnaires
du régime sud-vietnamien commis par le Vietcong. Ensuite par trois semaines de
pilonnement et de bombardement américains. La plus sanglante bataille de la
Guerre du Vietnam se termine le 26 février 1968 avec la reprise de la Citadelle
de Hué. Et toute l’attention va se tourner à nouveau vers Khesanh. Khesahn, qui
résistera victorieusement à 9 semaines de siège pour être très discrètement
abandonnée en juin 1968 avec le départ du général Westmoreland du Vietnam….
L’Offensive du Têt et le siège de Khesanh : deux
victoires américaines qui ont le goût amer de la défaite .Le Têt est considéré
aujourd’hui comme un des lus graves échecs des reinseignements américains depuis
Pearl Harbor .Mais au delà de l’incapacité de prévoir une attaque d’une telle
envergure, cette offensive a mis en évidence une myopie plus globale. Elle a
démontré que toute la perception américaine de la guerre était dès 1964 viciée
par trois malentendus : la méconnaissance de ses propres motivations (la
fameuse question de la Deuxième Guerre mondiale, « Pourquoi nous
combattons ? »…),la méconnaissance de l’allié sud-vietnamien et la
méconnaissance de l’ennemi !
Fin de la première partie. Suite demain.
Ce récit est tiré de mes articles au Journal de Genève et mes émissions à la Radio Suisse Romande Espace2.
(Je vous recommande la lecture de « Vietnam, a History »
de Staley Karnow, Penguin Books, 1984. A mon avis le meilleur ouvrage écrit sur
la guerre du Vietnam. Et visionnez à nouveau Full Metal Jacket de Stanley Kubrick !
Quant à la citation de la boutade du président Johnson (« I
don’t
want any damn dinbinphoo »)- elle fait, bien sûr, allusion à la
bataille de Dien Bien Phu entre la
garnison française et le Viet Minh en 1954),
Elisheva Guggenheim-Mohosh
on a accusé Johnson, mais c'est sous Kennedy que la
RépondreSupprimerguerre a commencé.