mercredi 26 décembre 2012

Guerre du Vietnam:l'Offensive du Têt, prélude à un gâchis. Quatrième partie: My Lai, "stoned murder"!

(voir nos articles du 24, 25 et 26 décembre 2012)

 
Le matin du 16 mars 1968 une unité appartenant à la Division Americal assassine brutalement 347 civils, hommes, femmes et enfants, dans un hameau vietnamien nommé My Lai. Pendant que les soldats américains commandés par le lieutenant William « Rusty » Calley violent, mitraillent et brûlent leurs victimes des dizaines de hélicoptères et d’avions survolent la région à basse altitude. Leurs pilotes prétendront de n’avoir rien vu, rien entendu .Ils ont tous été frappés de cécité et de surdité ce jour-là. Sauf un : Hugh C. Thompson, qui atterrit, pointe sa mitraillette sur le lieutenant Calley  et lui arrache quelques survivants du massacre, qu’il évacue dans son hélicoptère.

 
Hugh Thompson essaie d’alerter ses camarades, ses supérieurs, l’aumônier militaire .En vain. On lui fait entendre raison : il faut qu’il arrête de bavarder…Et Thompson finit de rentrer dans le rang. Il se tait.

 
Il se produit alors un miracle. Le soldat Ron Ridenhour n’était pas présent à My Lai. Mais certains de ses camarades lui racontent des histoires horribles. Ce sont de bons garçons américains, des types tout à fait normaux .Et c’est ce qui fait peur à Ron Ridenhour. Certains de ces garçons qui, chez eux, en Amérique, n’auraient pas levé la main sur un gosse, lui avouent d’avoir tué, violé, brûlé, massacré des dizaines de civils vietnamiens. Pendant des mois Ridenhour fait l’enquête en silence. Il réunit des noms, des faits, des preuves. De retour aux Etats –Unis il adresse une lettre dactylographiée à trente membres du Congrès américain. L’affaire éclate en public en novembre 1969. Le lieutenant Calley est arrêté, inculpé de meurtre, jugé et condamné à la détention à vie en mars 1971.

 
L’affaire déchaîne les passions en Amérique. Une grande partie de l’opinion publique est sincèrement choquée de ce qu’on a appelé « stoned murder » (du meurtre commis par des soldats complètement « défoncés » par la drogue). Elle ne reconnaît plus les « boys », ces garçons que la nation a envoyés outre-mer pour défendre la liberté. « C’est donc cela, une guerre menée par une démocratie ? » se demandent-elle, effarée...

 
Mais beaucoup d’américains sont choqués, au contraire, du bruit fait autour de l’affaire. La « Ballade de Rusty Calley », « brave gars de chez nous », qu’on « embête »pour avoir éliminé quelques communistes, se joue dans tous les juke-box du pays. Des milliers de lettres et de télégrammes sont envoyés à  la Maison Blanche, exigeant la révision du procès. Pour ces milliers d’américains Calley n’est qu’un bouc- émissaire. Il faut le libérer.  Le président Nixon finit par entendre ces voix : la sentence est réduite à dix ans d’emprisonnement. En 1974, au bout de cinq ans en prison, Calley libéré rentre chez lui.

 
Mais pour des millions d’américains l’affaire ne s’arrête pas là .Pour eux aussi Calley n’est qu’un misérable bouc-émissaire. Un bouc-émissaire qui s’est fait condamner pour les crimes de ses soldats, de ses supérieurs hiérarchiques, pour les crimes de l’armée américaine toute entière, pour le « système » tout entier…Ce n’est donc pas le lieutenant Calley seul qui aurait dû se trouver dans le box des accusés. Des dizaines, des centaines, des milliers d’accusés auraient dû le partager avec lui. Tous ceux qui ont commis le massacre. Ceux qui, comme le commandant de la Division Americal, ont tout vu et su et n’ont rien dit. Et surtout ceux qui ont rendu une telle chose possible : ceux qui ont inventé la notion infâme de Free Fire Zone – Zone de Tir à Volonté !

 Dans ces Zones, réputées « infestées » par le Vietcong on questionnait souvent les paysans dans les champs. La conversation se déroulait difficilement : la barrière de la langue sans doute…A la fin de la conversation le paysan vietnamien se retrouvait parfois mort. Le soldat teenager ne s’embarrassait pas d’explications. On lui a mille fois répété : « Shoot first, talk later » (Tire d’abord, cause ensuite). « If it’s dead, it’s VC » (si c’est crevé, c’est que c’était du Vietcong…). Fallait-il s’étonner, que dans ces conditions  ces teenagers (âge moyen : 19 ans) ne sachent pas distinguer entre meurtre permis et meurtre punissable ?

 Après le procès Calley, pour l’Amérique et pour le monde, My Lai devient synonyme de Vietnam. Des centaines de milliers de soldats qui n’ont jamais touché un cheveu d’un civil innocent, s’entendront appeler « Baby Killer » (tueur de gosses) à leur retour de la guerre .Des milliers de garçons américains qui ont risqué leur vie en portant secours à des villageois vietnamiens terrorisés par le Vietcong se feront traiter de Baby-Killer au même titre que les massacreurs de My Lai. Leur réinsertion dans la société américaine n’en sera que plus difficile.

Ces quatre récits  sont tirés de mes articles au Journal de Genève et de mes émissions à la Radio Suisse Romande, Espace2. Pour actualiser cet article deux remarques: Ron Ridenhour est décédé
en 1998, à l'âge de 52 ans. William Calley a demandé pardon, très tardivement, en août 2009, pour le massacre de My Lai.

 Demain, en cadeau, un florilège de livres, films, musiques, montages sur You Tube en rapport avec la Guerre du Vietnam.

 Elisheva Guggenheim-Mohosh

1 commentaire:

  1. Il parait que les Americains ont mal compris les rires des femmes vietnamiennes. Elles etaient terrorisees et riaient, ce qui se fait la-bas. Ils ont cru qu'elles se moquaient. Une incomprehension culturelle. Ce n'est pas la seule explication du massacre, mais c'est interessant. Noemie

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