Deux auteurs d’origine galloise, habitant Londres. Deux
auteurs de bestsellers. Le premier, vous le connaissez
certainement : il s’agit de Ken Follett.
Ses thrillers et ses romans historiques ont fait le tour du monde en cent
millions d’exemplaires. (voir nos articles du 5 novembre 2012 et du 5 mars
2013.) La seconde est Rosie Thomas, essentiellement lue par les femmes qui
aiment la littérature romantique, la montagne et les expéditions exotiques, par
exemple les séjours amoureux dans une station de recherche bulgare dans
l’Antarctique ou les passions déclenchées
lors d’une escalade mouvementée de l’Everest…
Et la lutte antifasciste dans tout cela ?
Aussi bien Ken Follett que Rosie Thomas consacrent des pages
mémorables à la journée du 4 octobre
1936 dans les quartiers pauvres dans l’East End de Londres : la journée
des barricades, la bataille sanglante de Cable Street entre toutes le mouvances anti-fascistes et
anti-racistes des quartiers pauvres et la police londonienne. Cette police qui
s’est mise du côté des fascistes anglais, aux ordres de Sir Oswald Mosley…Ken
Follett décrit cette journée, dans le deuxième tome de sa fameuse Trilogie du
Siècle, « L’Hiver du Monde », sorti en 2012. Rosie Thomas
raconte les mêmes évènements dans « Amy, pour les amis » (« The
White Dove »), paru en anglais déjà en 1986, sorti en France, chez J’ai Lu en
1991.De toute évidence, les deux auteurs s’inspirent des mêmes sources
historiques et décrivent les évènements , ainsi que leur arrière-plan
historique, sensiblement dans les mêmes termes. Leurs personnages (Le très sympathique étudiant Lloyd Williams chez Ken Follett, le ténébreux syndicaliste Gallois Nick Penry chez Rosy Thomas) obéissent aux
mêmes motivations politiques et sont mus par les mêmes sentiments :
enthousiasme, révolte, colère, détermination. (Et, par conséquent, comme nous
le verrons dans la deuxième partie de cet article, ces personnages seront mus
par les mêmes sentiments d’amertume, de désillusion et d’abattement quelques
mois plus tard, lorsqu’ils combattront
dans les Brigades Internationales, du côté Républicain, à la Guerre Civile
espagnole…)
En 1936 il y avait en Angleterre 333 000 Juifs – écrit Ken
Follett, en citant le Daily Worker, organe du Parti communiste anglais. La
moitié de ces Juifs, originaires des pays de l’Est, dont ils ont fui les
persécutions et les pogroms à la fin du 19° et au début du 20° siècle, habitait
dans les quartiers
pauvres de l’Est de
Londres. Et c’est justement le quartier juif de Stepney que Sir Oswald Mosley,
chef du British Union of Fascists et grand admirateur d’Adolf Hitler a choisi
pour faire une démonstration de force. Il a réuni ses troupes à côté de la Tour
de Londres et avait l’intention de les faire défiler à travers les
« quartiers enjuivés ». La route la plus prévisible passait par Cable
Street. Le Daily Worker appelait toutes les forces antifascistes à constituer
un véritable « mur humain », fait de dizaines de milliers d’habitants
de l’East End, toutes religions et toutes appartenances partisanes confondues, pour
barrer la route aux hommes de Mosley.(Les deux auteurs notent que le Parti
travailliste, le Labour, ou du moins sa branche principale, n'a pas donné son
accord pour cette manifestation anti-fasciste…)
La confrontation
avec
les « Chemises Noires » de Mosley semblait inévtable ce 4
octobre 1936. Une confrontation qui n’a jamais eu lieu. Ou, du moins, pas de la
manière dont tout le monde l’attendait.
Pourtant, les deux groupes humaines, les hommes de Oswald
Mosley et la foule bigarrée, faite de dockers londoniens et de mineurs gallois,
de syndicalistes et de vétérans Juifs de la Grande Guerre, d’hommes et de
femmes habitants de l’East End, se tient prête au combat. Le slogan des Républicains
espagnols « Ils ne passeront pas ! » (They Shall Not Pass !
No pasaràn !) couvre les murs des immeubles des quartiers populaires, des drapeaux rouges ornent
certaines fenêtres. Au moins cent-mille
antifascistes attendent les « Chemises Noires ». Mais il n’y aura pas d’affrontement avec l’Union des Fascistes Britanniques de
Mosley. Rosie Thomas, et Ken Follett
mentionnent tous les deux une entretien entre Sir Oswald Mosley et Sir Philip
Game, Chef de la Police. A la suite de cette entretien les hommes de Mosley se
mettent en route, mais pas vers l’East End. Ils marchent vers les quartiers
aisés de Londres.
Mais cette nouvelle n’arrive pas à temps vers la foule
surchauffée et des violences éclatent : la Police Montée charge avec une
brutalité inouïe, écrasant la foule sous les pattes de leurs grands chevaux,
matraquant hommes et femmes. Certains policiers font (selon Ken Follett) le
salut hitlérien et , sans tenir compte de l’origine des gens, toutes les femmes
sont traitées de « putes juives » et tous les hommes de « sales
youpins ».Les gens ont le sentiment que la police anglaise est aux ordres de L'Union des Fascistes Britanniques. Mais ils ne se laissent pas faire. La foule érige des barricades faites de poubelles, de
vieux meubles jetés par les fenêtres. Chaque coin de rue est tenu par les habitants de East End et
lorsque la Police Montée se retire, la foule en liesse a le sentiment d’avoir
vécu, enfin, un grand tournant. « Nous avons battu les fascistes
anglais à Cable Street » - jubile un jeune mineur Gallois -
« Maintenant nous allons battre les fascistes en Espagne !!! ».
Pauvres idéalistes…
(Prochain article : No pasaràn ! Deuxième
partie : Espagne, 1937)
Pour rappel: Winter of the World de Ken Follett a paru en anglais chez Dutton (Penguin
Group USA) et en français chez Robert Laffont, respectivement en septembre et en novembre 2012.The White Dove (Amy, pour les amis) de Rosie Thomas a paru en anglais chez
William Collins Sons en 1986,puis chez Arrow Books en 2004, et en français
chez J'ai Lu en 1991.
Elisheva Guggenheim-Mohosh.
Tres interessant. Noemie
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