lundi 12 novembre 2012

Hongroiseries: Michael Curtiz. Première partie: un caractériel sublime...

Tandis qu'Alexander Korda brille à Londres (voir nos articles du 20 et 21 octobre 2012), à Hollywood une autre carrière miraculeuse est en train de se construire. Contrairement à Alex Korda, qui parle l'anglais avec l'accent de la Puszta, mais correctement, Mihàly Kertész, alias Michael Curtiz dirigera les plus grands noms de Hollywood durant plus de trente ans, sans jamais prononcer une seule phrase sans faute.

L'homme qui a une des plus belles filmographies du Septième Art peut aussi se prévaloir d'une longue liste de calembours répértoriés. Une de ses "perles" servira de titre aux mémoires de David Niven.Le comédien anglais tournait en 1936 "La charge de la brigade légère" sous la direction de Curtiz, avec Errol Flynn dans le rôle principal. On filmait la scène où une centaine de chevaux paniqués et sans cavaliers devait traverser l'écran. Frappant avec son fouet sur ses éternelles bottes de  la cavalerie austro-hongroise, Kertèsz-Curtiz hurla: "All right! Bring on the empty horses" (Envoyez-moi les chevaux vides!)

David Niven, Errol Flynn et les autres acteurs étaient pliés de rire. C'était sans compter avec la sensibilité hongroise. Curtiz a réagi aux rires avec un torrent d'insultes, qui figurent, elles-aussi, dans les annales de Hollywood et dont "fils de pute" était le terme le plus délicat. "You and your stinking language.." "Vous et votre saleté de langue..." a-t-il conclu, avant de reprendre la scène...

Cet incident tragi-comique résume, à lui-seul, tout le paradoxe Michael Curtiz. A l'époque des faits, en 1936, Curtiz a derrière lui un quart de siècle de carrière brillantissime. Ancien assistant de Mauritz Stiller et de Victor Sjöström, il est célébre autant à Budapest, qu'à Vienne ou à Berlin. Ses films de la période muette, tels "Moon of Israel" (L'esclave reine) tourné à Vienne en 1925, peuvent soutenir la  comparaison avec n'importe quelle superproduction hollywoodienne de l'époque. Rien que depuis son arrivée à Hollywood en 1926, il a tourné plus de trente films, tels "Masques de cire" et "Captain Blood". Quant à sa filmographie après 1936, elle est tout simplement époustouflante. En parcourant la liste des films dont il a été le réalisateur, on est pris de vertige: un classique y succède à un autre.

Michael Curtiz a certainement "fait" la carrière d'Errol Flynn, Olivia de Havilland et Bette Davis. Il a certainement contribué à la carrière d'autres, tels Humphrey Bogart, James Cagney ou Doris Day. Il a dirigé Gary Cooper, Edward G, Robinson, Joan Crawford, Ingrid Bergman et...Elvis Presley. Et pourtant ce géant, ce réalisateur fétiche de la Warner Bros., peut encore être victime de plaisanteries à cause de son anglais approximatif, fortement teinté de hongrois. Ses comédiens se moquent de lui, le craignent et le détestent. Quant à lui, il les hait et il les insulte.

Mais au delà des insultes, des moqueries et des ressentiments, ses acteurs lui restent attachés, fidèles et, somme toute, reconnaissants. Curtiz, de son côté, est farouchement loyal et, tout en gratifiant ses acteurs de son mépris, ils les met en valeur comme il peut.

Lorsque Bette Davis fut jeune actrice, en 1932, Darryl Zanuck l'imposa à Michael Curtiz dans un film. Curtiz était furieux... Il marchait en long et en large sur le plateau, répétant à qui voulait l'entendre: "Putain de mauvaise actrice! C'est une putain de mauvaise actrice!" Et il guignait méchamment pour voir si elle entendait, si elle pleurait et si elle partait...

Bette Davis entendait parfois, pleurait peut-être mais ne partait certainement pas. Dans sa carrière elle a tourné six films avec Michael Curtiz. Il continuait, avec de moins en moins de conviction, de la traiter de "mauvaise actrice", tout en l'imposant, en 1939, face à Errol Flynn, dans " La vie privée d'Elizabeth d'Angleterre" (The Private Lives of Elizabeth and Essex) comme la meilleure actrice de sa génération.

Fin de la première partie. Le prochain article sera " Hongroiseries: Michael Curtiz.. Deuxième partie: Casablanca." Ces deux articles sont extraits de mes émissions à la Radio Suisse Romande Espace2 et de mes articles au Journal de Genève.

Elisheva Guggenheim-Mohosh. Voir aussi mon autre blog, Les Commérages historiques d'Elisheva Guggenheim, www.commerageshistoriques.ch

1 commentaire:

  1. Peut-etre est-il dans la nature hongroise d'avoir mauvais caractere... Noemie

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